Selon le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), l’ancien chef militaire congolais Bosco Ntaganda a violé des enfants soldats qui le protégeaient, a abattu un prêtre, un homme atteint d’un handicap mental ainsi que trois membres de la famille de cette personne dont le nom n’a pas été divulgué.
S’exprimant lors de l’ouverture du procès, le procureur Fatou Bensouda a également déclaré qu’en 2002 et 2003, M. Ntaganda et sa milice de l’Union des patriotes congolais (UPC) contrôlaient la région de l’Ituri qu’elle a décrite comme étant « une des zones des plus sanglantes » de la République démocratique du Congo. Elle a indiqué que, lors de cette période, environ 5000 personnes avaient été tuées dans ce conflit.
L’accusation a prévu d’appeler à la barre plus de 80 personnes dont des témoins experts, des membres qui travaillaient avec M. Ntaganda, des victimes et des témoins oculaires. L’accusation s’appuiera également sur des preuves scientifiques recueillies sur des corps exhumés ainsi que dans des journaux de communication, des lettres, des vidéos et des photos des camps d’entrainement de l’UPC. Le nombre total des témoins appelés et des preuves documentaires devraient être le plus élevé qu’un procès devant la Cour basée à La Haye ait connu.
Mme Bensouda a déclaré que le viol et l’esclavage sexuel des soldats étaient si répandus au sein de la milice armée de M. Ntaganda que ces filles étaient appelées « guduria », un mot swahili désignant un grande marmite commune. Elles étaient « réduites à des objets que les soldats et les commandants se passaient et utilisaient pour des rapports sexuels lorsqu’ils le voulaient ».
Le substitut du procureur Nicole Samson a expliqué que bien que M. Ntaganda ne sera pas accusé en tant qu’auteur direct des viols, des éléments de preuve montreront qu’il a violé, notamment des filles de sa garde rapprochée, ce qui indique qu’il savait que des crimes sexuels étaient commis à l’encontre d’enfants soldats de l’UPC.
Elle a précisé que le viol de jeunes filles dans le groupe était si courant que les soldats chantaient des chansons désobligeantes à ce sujet. « Elles étaient perçues comme étant une propriété du commandant pouvant être utilisée », a déclaré Mme Samson.
Ntaganda, un ancien chef adjoint de l’état-major de la branche armée de l’UPC, est détenu dans le quartier pénitentiaire de la Cour depuis le mois de mars 2013 bien que la CPI ait émis un mandat d’arrêt à son encontre en 2006. Il répond de 13 chefs de crimes de guerre et de 5 chefs de crimes contre l’humanité, dont le viol, le meurtre, l’attaque contre des civils, l’esclavage sexuel et l’utilisation d’enfants soldats dans des conflits armés.
Thomas Lubanga, qui a dirigé l’UPC, a été condamné à une peine de 14 ans de prison pour l’utilisation d’enfants soldats dans un conflit armé. L’accusation a soutenu que M. Lubanga, M. Ntaganda et Floribert Kisembo, qui a été tué par les forces gouvernementales congolaises en 2011, étaient les commandants de haut rang de l’UPC.
Mme Bensouda a indiqué qu’il était le commandant supérieur chargé des opérations lors des deux principales attaques pour lesquelles il est jugé. « Il a planifié, coordonné et commandé les attaques », a-t-elle ajouté. Il a supervisé la logistique, les armes ainsi que l’entraînement des troupes de l’UPC qui ont perpétré les crimes et a donné les ordres de tirer et de tuer. Le procureur a déclaré que, au lieu de punir le commandant Salumu Mulenda qui a dirigé les massacres de Kobu, M. Ntaganda l’a qualifié de « vrai homme ».
Mme Samson a précisé que les chefs de l’UPC ont recruté dans la milice des centaines d’enfants dont certains avaient à peine 12 ans. Ils ont forcé les enfants à tuer et les ont maltraité. Ceux qui tentaient de s’enfuir étaient sévèrement punis et parfois exécutés.
Elle a ajouté que, avant que les soldats de l’UPC n’entrent en guerre, M. Ntaganda et un autre commandant leur ont ordonné d’attaquer et de piller tout ce qu’ils pouvaient trouver, y compris les femmes.
L’accusation a déclaré qu’elle appellerait des témoins qui témoigneraient avoir vu M. Ntaganda en personne attaquer et tuer des civils ainsi que piller des biens. Ils témoigneront que M. Ntaganda a abattu un prêtre après qu’il ait nié avoir connaissance de certains documents et qu’il a ensuite répété à ses soldats que les membres du groupe ethnique Lendu devaient être éliminés. Les juges ont également entendu des témoignages décrivant comment M. Ntaganda avait abattu un homme et trois membres de sa famille ainsi qu’un colonel.
Selon Mme Samson, les hommes de l’UPC ont ordonné aux civils de creuser leurs propres tombes avant de les abattre. Ils ont attaqué un centre de santé local et ont tué ceux qui n’avaient pu fuir. Dans un grand nombre d’attaques, les hommes de M. Ntaganda ont abattu les civils en fuite.
Les preuves scientifiques sur lesquelles l’accusation prévoit de s’appuyer ont été recueillies l’année dernière lorsque les enquêteurs ont exhumés des corps dans les sites de certaines des attaques les plus féroces de l’UPC. Dans une tombe, trois des cinq corps sont des enfants et leurs corps portent des blessures dues à des armes. 12 autres corps ont été exhumés d’une autre tombe mais les experts légistes n’ont pu établir la cause de la mort. Toutefois, il y a des signes indiquant qu’ils ont subi des blessures similaires à celles des victimes de la première tombe et les récits de témoins indiquent que les victimes ont été abattues par les troupes de l’UPC.
L’audience des déclarations liminaires se poursuit demain matin et les avocats représentant plus de 2149 victimes participant au procès s’adresseront à la Cour.