L’ancien commandant rebelle congolais Bosco Ntaganda a refusé d’assister à l’audience de son procès aujourd’hui et a commencé une grève de la faim pour montrer son désaccord avec l’ordonnance des juges prononçant le maintien des restrictions imposées sur ses communications et contacts.
« À la suite de cette décision, M. Ntaganda a arrêté de s’alimenter hier après-midi et n’a pas l’intention de s’alimenter normalement dans un futur proche », a déclaré son avocat Stéphane Bourgon cet après-midi. Il a ajouté que l’accusé avait également refusé de prendre les médicaments prescrits par un médecin qui l’avait examiné aujourd’hui.
Plus tôt dans la matinée, Me Bourgon avait demandé aux juges de repousser l’audience prévue afin de lui permettre de rendre visite à M. Ntaganda au centre de détention étant donné qu’il avait été informé du fait qu’il ne comparaitrait pas devant la Cour. « Je ne suis pas en mesure de révéler le contenu de ma conversation avec M. Ntaganda. Ce que je peux dire est que je n’ai pas reçu mandat pour représenter M. Ntaganda en son absence », a déclaré Me Bourgon.
Alors que les juges ont repoussé l’audience à cet après-midi, ils ont décidé que si M. Ntaganda n’avait pas autorisé ses avocats à le représenter dans le cas où ne pourrait pas comparaître devant la Cour, les juges avait l’intention d’ordonner à l’avocat de la défense de le représenter. Le juge président Robert Fremr, tout en prononçant une décision orale, a souligné que l’article 63(2) de l’acte fondateur de la Cour, le Statut de Rome, stipulait que, dans certaines circonstances, la procédure pouvait continuer en l’absence de l’accusé.
Après avoir visité M. Ntaganda, Me Bourgon a indiqué que M. Ntaganda était dans « un état psychologique très dégradé » et qu’il demanderait au Greffe de la Cour de lui fixer un rendez-vous avec un psychologue. Il a déclaré que M. Ntaganda avait rendu aux fonctionnaires du centre de détention le téléphone qu’il avait jusqu’à présent près de sa cellule avec lequel il communiquait habituellement. Par conséquent, ceux qui souhaitaient lui parler devaient se rendre directement à sa cellule pour communiquer avec lui.
Me Bourgon a indiqué que M. Ntaganda serait prêt à comparaître le mardi 13 septembre. Entre-temps, il a « maintenu sa position de ne pas être présent en audience et de ne pas également m’autoriser ou autoriser un membre de l’équipe de la défense à le représenter pendant son absence ».
L’impasse provient d’une ordonnance du 18 août 2015 qui a imposé des restrictions aux contacts de M. Ntaganda après que les juges aient conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de penser qu’il était personnellement impliqué dans la préparation de témoins et qu’il avait également donné des ordres à ses complices de le faire. Avec les restrictions imposées, ses communications téléphoniques ne sont permises qu’avec deux personnes, elles font l’objet d’une surveillance active et sont limitées dans leur durée, dans la langue utilisée ainsi que sur les sujets abordés, l’utilisation d’un langage codé ou les discussions sur des questions touchant le procès étant interdites.
La seconde partie des restrictions concerne les restrictions appliquées aux visites de M. Ntaganda qui sont activement surveillées. Les conversations doivent être effectuées dans une langue qui puisse faire l’objet d’une surveillance du Greffe et ne doivent comporter aucune discussion concernant le procès.
Dans une décision d’hier, les juges ont maintenu les restrictions existantes, affirmant que M. Ntaganda pouvait continuer à avoir des contacts avec sa femme et ses enfants par le biais de conversations téléphoniques et de visites activement surveillées ainsi que par le biais de messages enregistrés. Avec ces restrictions, M. Ntaganda est autorisé à parler à ses enfants par le biais de son épouse et à enregistrer des messages pour ses enfants après que leur contenu ait été examiné par le Greffe de la Cour. Dans une interview donnée il y a un mois environ, les avocats de M. Ntaganda ont déclaré que l’accusé n’avait pas vu ses sept enfants depuis son transfert à La Haye il y a trois ans.
Les juges ont considéré que, avec ces restrictions, un équilibre juste a été trouvé entre les droits de M. Ntaganda à une vie privée et à une vie de famille et les objectifs de protection des témoins, de prévention des violations de confidentialité et de garantie d’intégrité du procès.
Les juges ont fait remarquer que plus de 50 témoin de l’accusation étaient prêts à témoigner et que, en regard de la préparation de la plaidoirie de la défense, le risque de subornation de témoin et de préparation des témoins restait élevé
Dans ses observations orales d’aujourd’hui, le substitut du procureur Diane Luping a déclaré que, conformément aux règlements de la Cour, la présence de l’accusé aux audiences était requise et attendue et que seules des circonstances exceptionnelles pouvaient l’excuser. Elle a précisé qu’une insatisfaction par rapport à une décision de la Chambre de première instance ne représentait pas un motif exceptionnel pour que M. Ntaganda ne se présente pas devant la Cour. Me Luping a intimé aux juges d’ordonner à M. Ntaganda de comparaître devant la Cour afin d’éviter que « l’accusé ne prenne la chambre en otage simplement à cause d’une décision qui ne le satisfaisait pas ».Me Luping a également demandé aux juges d’envisager d’avertir l’accusé de sanctions possibles s”il continuait à refuser de comparaître, conformément aux règlements de la Cour.
En vertu de leur décision de poursuivre le procès, prononcée le matin en l’absence de l’accusé, les juges ont ordonné dans l’après-midi à Me Bourgon de représenter les intérêts de l’accusé pendant le témoignage d’un nouveau témoin de l’accusation, le Dr Lars Uhlin-Hansen. En 2014, le pathologiste judiciaire norvégien avait réalisé des autopsies sur 13 restes humains dans la région congolaise d’Ituri.
Les audiences du procès devraient se poursuivre demain matin.