Aujourd’hui, les avocats de la défense ont dépeint l’accusé de crimes de guerre Bosco Ntaganda comme un artisan de la paix chaudement accueilli par les habitants d’une ville assiégée par une milice ethnique meurtrière.
Dans une vidéo projetée aux juges, certains habitants de Mongbwalu déclaraient être revenus dans leurs maisons après que les troupes des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) de M. Ntaganda aient pris le contrôle de la ville et aient assuré la « sécurité ».
La même vidéo a été projetée hier par les procureurs pour démontrer aux juges que M. Ntaganda était le commandant militaire d’un groupe qui avait commis des viols et avait pillé Mongbwalu ainsi que pour montrer qu’il avait recruté, entraîné et utilisé des enfants soldats.
« Il nous est difficile de comprendre que l’accusation puisse prétendre que l’objectif des opérations des FPLC à Mongbwalu était d’attaquer la population civile qui n’était pas hema et de la chasser, bien que leurs propres éléments de preuve montrent une autre réalité », a indiqué l’avocat de la défense Marc Desalliers.
L’accusation a fait valoir que le groupe de M. Ntaganda était majoritairement composé de membres du groupe ethnique hema et qu’il avait persécuté des populations civiles qui n’étaient pas hema, telles que les Lendu afin de les chasser de plusieurs régions de la province de l’Ituri, au Congo.
L’avocat de la défense a néanmoins affirmé que la vidéo montrait que bien que M. Ntaganda était présent à Mongbwalu après les opérations militaires des FPLC, ces opérations visaient à chasser la milice armée rivale, l’Armée Populaire Congolaise (APC), et non pas à attaquer les civils.
Dans la vidéo tournée par un journaliste anonyme en novembre 2002, M. Ntaganda réfute les allégations selon lesquelles ses troupes auraient commis des crimes sur les habitants de la zone. Il déclare que son groupe était présent dans la ville pour protéger les habitants et leurs biens contre l’APC et sa milice lendu affiliée.
« Si quelqu’un fait quelque chose de mal, même s’il s’agit d’un de nos soldats, demandez-moi de l’aide et je viendrai vous aider», indique M. Ntaganda à une habitante de la zone dans une vidéo. La femme anonyme faisait partie d’un groupe de plusieurs habitants qui auraient fui leur domicile par peur de l’APC et des militants lendu.
« Nous les avons chassé. Nous en avons attrapé certains, d’autres ont été tués ou ont fui. Notre objectif est de battre tous ces chefs qui ne combattent que pour leur propre intérêt », déclare M. Ntaganda dans la vidéo.\Desalliers a indiqué que lorsque les procureurs n’avaient pas pris en considération ces « éléments essentiels » par rapport à ce qui s’était passé à Mongbwalu, ils n’avaient pas rempli leur mission d’établissement de la vérité.
« C’est l’APC et les militants lendu qui ont pillé la ville et les usines avant de fuir. Les civils avaient fui et les FPLC les avaient encouragés à revenir dans leurs maisons », a précisé l’avocat de la défense.
Desalliers a également présenté une liste de 35 membres de haut rang des FPLC et de l’Union des patriotes congolais (UPC), la branche politique du groupe. Il a déclaré que 10 de ces membres appartenaient au groupe ethnique hema. Il a également énuméré les commandants supérieurs du groupe, dont certains avaient participé aux opérations réalisées lors de la période concernée par les charges portées à l’encontre de M. Ntaganda. Les commandants provenaient de différentes origines, notamment lendu, hema, tutsi et ougandaise.
« La réalité est simple : l’UPC et les FPLC ne constituaient pas un groupe hema. On aurait trouvé en leur sein tous les groupes ethniques », a indiqué l’avocat de la défense. Il a ajouté que toute allégation selon laquelle l’objectif du groupe dans cette ville était de persécuter la population qui n’était pas hema n’avait ‘aucun sens’.
Dans une autre vidéo présentée à la Cour cet après-midi, Thomas Lubanga, le président de l’UPC/des FPLC, est montré s’adressant à de nouvelle recrues. Filmé en juin 2003, M. Lubanga insiste auprès des troupes sur le fait que le parti vise à réunifier le peuple congolais. « Quelle que soit votre origine ethnique, l’ennemi est celui qui est hostile à la paix », indique-t-il.
En mars 2002, M. Lubanga a été déclaré coupable de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants soldats et a été condamné à 14 ans de prison. M. Ntaganda aurait été le sous-chef d’état-major du groupe et est accusé de cinq crimes contre l’humanité et de treize crimes de guerre.
Les audiences qui se tiennent actuellement devant les juges Ekaterina Trendafilova (juge présidente), Hans-Peter Kaul et Cuno Tarfusser permettent aux parties de présenter des éléments de preuve afin que les juges puissent déterminer si l’affaire doit être jugée.
Entretemps, plus tôt dans la journée, les procureurs ont estimé que M. Ntaganda portait la responsabilité des crimes commis par ses troupes car il savait ou aurait dû savoir que ses troupes perpétraient ou étaient sur le point de perpétrer des crimes « de par les commandement et contrôle » qu’il exerçait sur ses forces.
Ils soutiennent que bien qu’il ait pu leur ordonner d’arrêter les crimes, il ne l’a pas fait. Les procureurs ont également affirmé que M. Ntaganda avait facilité la commission des crimes en les encourageant et en envoyant un message de tolérance officielle par « la perpétration et l’utilisation directes de violences verbales contre les Lendu ».
La défense poursuivra ses observations orales demain matin.