Dans les nouvelles directives émises par les juges de la Cour pénale internationale (CPI) pour l’admission des victimes souhaitant participer au procès de Bosco Ntaganda, le greffe de la Cour devra évaluer les demandes individuelles pour déterminer celles qui seront reconnues comme victimes.
Dans une décision du 6 février 2015, la chambre a considéré que l’examen de chaque demande par les juges n’était « ni appropriée ni nécessaire ». La désignation du greffe pour évaluer les demandes en se basant sur les directives spécifiques était la « manière la plus efficace et la plus adéquate ».
Les juges ont fait remarquer que dans les autres procès qui se tiennent actuellement devant la CPI, le greffe a souvent réalisé des évaluations similaires, notamment en éliminant les demandes incomplètes et en effectuant des rapports détaillés sur le bien-fondé des demandes afin de guider les juges dans leur évaluation.
Pour prendre sa décision, la chambre a pris en considération, entre autres, « le grand nombre de victimes qui devraient manifester leur intérêt à participer au procès » ainsi que la date d’ouverture du procès, le 2 juin 2015.
Près de deux ans se sont écoulés depuis que M. Ntaganda s’est rendu à l’ambassade des États Unis à Kigali, au Rwanda, en demandant à être transféré à la CPI. La Cour a délivré deux mandats d’arrêt à son encontre : le premier en 2006 et le second en 2012. En juin 2014, le juge de première instance a confirmé les 18 charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité retenues à son encontre. Les crimes présumés ont été commis en 2002-2003 lors du conflit ethnique de la province d’Ituri, au Congo, lorsqu’il aurait occupé le poste de sous-chef d’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).
D’après la règle 85 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour, les personnes souhaitant participer à un procès en tant que victimes doit déposer une demande démontrant qu’elles ont subi un préjudice personnel direct ou indirect à la suite d’un incident relevant des charges confirmées.
Lors de la procédure, les victimes peuvent participer directement en témoignant devant la Cour en tant que témoins appelés par l’accusation (témoins à double statut) ou sur demande pour présenter leurs vues et préoccupations déposée par leurs représentants légaux et validée par les juges. Si les juges déclarent l’accusé coupable, les victimes sont autorisées à demander des réparations pour les préjudices subis.
Lors de la phase de confirmation des charges, 1 120 personnes ont obtenu le statut de participant au procès. Parmi eux, 140 étaient des enfants soldats et 980 des victimes des attaques présumées des FPLC. À l’époque, les juges de première instance avaient rejeté 80 demandes tandis que le greffe avait fait savoir que 800 demandes environ avaient été reçues mais qu’elles n’avaient pas été transmises à la chambre préliminaire. Le greffe prévoit de recevoir 400 autres demandes de participation à la phase du procès.
Les directives établies pour l’admission en tant que victimes au procès sont résumées ci-dessous :
- Le greffe doit transmettre à la chambre toutes les demandes complètes et tous les documents justificatifs complémentaires, sans corrections, au fur et à mesure de leur réception.
- Le greffe doit évaluer les demandes en se basant sur les indications fournies par la chambre concernant l’identité de la personne physique et le préjudice subi. Le greffe doit diviser les demandeurs en trois groupes : (a) les demandeurs qui sont clairement admissibles en tant que victimes (Groupe A) ; (b) les demandeurs qui ne sont pas clairement admissibles en tant que victimes (Groupe B) et (c) les demandeurs pour lesquels le greffe ne peut clairement se déterminer quelle que soit le motif (Groupe C).
- Le greffe doit suivre la même procédure pour les victimes dont les demandes à participation ont été acceptées lors de la phase de confirmation. Le greffe doit ajouter ces victimes au Groupe A à l’exception de celles qu’il considère ne plus être admissibles d’après les paramètres des charges confirmées.
- Le greffe doit établir au moins un rapport dans lequel il liste, sans procéder à une analyse détaillée, les demandes de victimes qui relèvent de chacun des trois groupes. Les demandeurs du Groupe B doivent être classés comme étant ceux qui n’ont pu prouver leur identité ou leur filiation, comme étant ceux qui ont subi des préjudices hors du champ d’application (y compris géographique) des charges et ceux qui ont été rejeté pour tout autre motif. Le greffe doit adresser ces rapports à la chambre, à l’accusation, à la défense et aux avocats représentant les victimes participantes.
- Pour garantir que l’ensemble des demandes soient traitées avant l’ouverture du procès, le greffe doit réaliser une dernière transmission des formulaires de demande simplifiée appartenant au : (a) Groupe C à la chambre et aux parties au plus tard 60 jours avant la date d’ouverture du procès ; (b) aux Groupes A et B à la chambre au plus tard 15 jours avant la date d’ouverture du procès. Aucune nouvelle demande ne peut être soumise pour approbation après ces dates limites.
- L’accusation et la défense ont le droit de répondre aux demandes du Groupe C dans un délai défini par la chambre.
- Après réception de toute observation émanant des parties sur les demandes du Groupe C, la chambre les examinera individuellement. Sauf erreur significative apparente dans l’évaluation du greffe, la chambre approuvera également l’examen des demandes des Groupes A et B.
- Le greffe doit conserver une base de données des informations fournies par les victimes admises à participer à la procédure et les rendre accessibles à chaque représentant légal des victimes lorsque les données ont été fournies par les victimes qu’il représente.
- La Section de la participation des victimes et des réparations (SPVR) doit fournir périodiquement un rapport détaillé sur les victimes admises à participer à la procédure et sur leur situation générale.
Une conférence de mise en état a été fixée pour mardi prochain, le 17 février. Il y sera débattu des avancées dans les préparatifs du procès Ntaganda, notamment du statut de la divulgation de preuve, des discussions entre les parties sur les faits admis de l’affaire ainsi que des vues des parties et des participants sur la possibilité de tenir en partie le procès in situ en République démocratique du Congo ou dans un pays voisin.