À deux mois de l’ouverture du procès du commandant militaire congolais Bosco Ntaganda devant la Cour pénale internationale (CPI), ses avocats ont demandé aux juges un report de cinq mois affirmant que « la défense ne serait tout simplement pas prête » en juin.
Parmi les raisons citées par la défense figurent la divulgation tardive de l’identité de nombreux témoins de l’accusation, le volume « exceptionnel » des documents communiqués par l’accusation et l’incapacité de la défense à obtenir les services d’enquêteurs qualifiés.
D’après la demande du 2 avril de l’avocat de la défense Stéphane Bourgon, une préparation de la défense conforme à un procès équitable « exige une pleine connaissance et compréhension du dossier de l’accusation, une possibilité significative d’enquêter de manière efficace, des ressources humaines et financières nécessaires ainsi que suffisamment de temps ».
Toutefois, quatre des cinq membres de l’actuelle équipe de la défense n’ont aucune connaissance préalable de la situation du Congo où les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dont M. Ntaganda est accusé aurait été commis.
En juillet dernier, Marc Desalliers a quitté ses fonctions d’avocat principal de la défense après avoir mentionné des différends irréconciliables avec l’accusé sur la conduite de la plaidoirie de la défense. Son départ a été suivi par celui des deux principaux assistants juridiques de l’affaire.
Bourgon a déclaré que les documents divulgués à l’accusation depuis le 15 janvier de cette année, qui ont triplé le nombre de documents détenus par l’équipe de défense, ainsi que le nombre annoncé de nouveaux témoins de l’accusation ont rendu impossible à la défense l’acquisition de la compréhension minimum requise du dossier de l’accusation d’ici la date d’ouverture du 2 juin. Depuis le 7 mars, 7 837 éléments de preuve comprenant 58 805 pages ont été divulgués. Ils comprennent 65 nouvelles vidéos pour une durée totale de 104 heures et 31 minutes.
De plus, 1 104 éléments additionnels à ce que l’accusation dénomme des éléments de preuve à charge, dont la plupart concerne directement les nouveaux témoins de l’accusation, ont été récemment communiqués à la défense. Selon la défense, depuis janvier dernier, l’accusation a ajouté 29 nouveaux témoins à sa liste et n’a pas divulgué l’identité de quatre d’entre eux.
« L’incapacité de la défense à examiner la grande quantité de documents récemment communiqués par l’accusation, notamment les documents relatifs au plus de 20 nouveaux témoins, a largement affecté et continue à affecter la capacité de la défense à mener efficacement l’instruction », a affirmé M. Bourgon.
Il a indiqué que les enquêtes de la défense ont été également sérieusement handicapées par la divulgation tardive de l’identité d’un grand nombre de témoins et par la quantité des corrections appliquées aux documents communiqués à l’accusation.
Ntaganda devrait être jugé devant la CPI en juin pour les crimes qu’il aurait commis en 2002 et 2003 alors qu’il était le chef d’état-major adjoint d’un groupe rebelle, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Il est accusé de la perpétration directe et de la co-perpétration indirecte de meurtre, de viol, d’esclavage sexuel, de pillage et de l’utilisation d’enfants soldats, en autres crimes.
Le mois dernier, les juges ont recommandé à la présidence de la Cour que l’ouverture du procès se tienne à Bunia, une ville de l’est du Congo, où les FPLC étaient basées. Ce qui serait en accord avec l’objectif de la Cour de rendre la justice plus proche des victimes dans les affaires qu’elle juge.
L’accusé a été une figure centrale des conflits qui ont ravagé l’est du Congo depuis la fin des années 1990 jusqu’à 2013, passant du commandement de forces rebelles à la fonction de commandant dans l’armée nationale.
Les juges devraient se prononcer sur la demande de la défense relative au report de l’ouverture du procès.