Les avocats de la défense tentent de récuser un témoin à charge du procès de Bosco Ntaganda qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI). Pendant cinq jours, le témoin a relaté avoir servi en tant qu’enfant soldat dans la milice qui aurait été commandée par M. Ntaganda. Cette femme a témoigné sur le rôle de M. Ntaganda dans la commission des atrocités et sur le viol d’enfants soldats, y compris d’elle-même, par les commandants du groupe.
L’avocat de la défense Stéphane Bourgon a jeté le doute sur la crédibilité du témoin P-010 et a tenté de verser aux débats plusieurs documents pour appuyer sa récusation. L’accusation ne s’est pas opposée à l’admission des preuves documentaires.
À l’ouverture de l’audience du 16 novembre, M. Bourgon a suggéré au témoin que le petit soldat aperçu dans une vidéo qui chargeait des armes dans une camionnette après que M. Ntaganda ait visité le camp d’entraînement de Rwampara n’était pas un enfant soldat. Le témoin P-010 a toutefois déclaré connaître ce soldat qui, à cette époque, était un enfant soldat et était plus jeune qu’elle. Le témoin avait précédemment indiqué avoir été enlevé et enrôlé dans les FPLC en 2002 à l’âge de 13 ans.
Bourgon a affirmé que le soldat en question se nommait Zakayo et qu’il avait 20 ans à ce moment-là. La suite de l’interrogatoire sur ce soldat a été menée à huis clos. Le réinterrogatoire du témoin P-010 a été mené entièrement à huis clos.
Le 13 novembre, le témoin P-010 a nié avoir été membre de l’Armée populaire congolaise (APC), une milice rivale des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) dans lesquelles M. Ntaganda a été chef d’état-major. « Je n’ai jamais été soldat dans l’APC », a-t-elle déclaré. La défense a indiqué au témoin que le chant qu’il affirmait être chanté par les FPLC pour regonfler le moral des combattants était en fait chanté par la milice rivale, l’APC. « Ce n’est pas vrai », a répondu cette femme.
En mars 2009, le témoin P-010 avait témoigné à charge au procès de Thomas Lubanga, l’ancien commandant en chef des FPLC. Lors de ce procès, elle a également nié avoir été membre de l’APC avant de rejoindre le groupe de M. Lubanga.
Dans le jugement du procès Lubanga, les juges avaient conclu qu’ils ne pouvaient pas s’appuyer sur de « nombreux aspects » de la déposition du témoin P-010 étant donné les contradictions existant entre son témoignage et les preuves documentaires relatives à son âge à l’époque des évènements. Ils lui avaient retiré son statut de victime participante du procès Lubanga.
La semaine dernière, M. Bourgon a indiqué que le témoin P-010 avait fait de nouvelles demandes pour retrouver son statut de victime. Il a affirmé que ce qu’elle avait indiqué dans sa demande de participation au procès Ntaganda était « à des années lumières de ce qu’elle avait déclaré auparavant » lors de sa première demande et de son premier témoignage en 2009. Le substitut du procureur Nicole Samson a précisé que, « étant donné certaines conclusions de la décision Lubanga et à cause de certaines preuves documentaires selon lesquelles elle pouvait avoir 17 ans » à l’époque où elle servait au sein des FPLC, l’accusation ne s’appuyait pas sur le témoin P-010 en tant que personne ayant eu 15 ans au moment des faits.
Ntaganda est accusé de perpétration directe, de co-perpétration indirecte et d’avoir encouragé plusieurs crimes, notamment le meurtre, la tentative de meurtre, le viol, l’esclavage sexuel, le transfert forcé de population, le déplacement de civils, les attaques contre des biens protégés, le pillage, la destruction de biens et l’utilisation d’enfants soldats.
Lors de son premier jour de comparution, le témoin P-010 a refusé de répondre aux questions que lui posait l’accusation. Bien qu’elle ait été protégée de la vue de M. Ntaganda dans la salle d’audience, elle a exprimé des inquiétudes sur le fait d’être dans la même pièce que l’accusé. M. Ntaganda a ensuite accepté de quitter la salle d’audience et de suivre le procès à distance.
Les audiences du procès devraient se poursuivre tout au long de cette semaine.