Les juges examinant le cas de l’ancien commandant militaire congolais Bosco Ntaganda ont décidé que des preuves sur les viols et l’esclavage sexuel qui auraient été perpétrés par l’accusé en personne pourraient être admises « au cas par cas » à son procès qui se tient devant la Cour pénale internationale. Selon les juges, tout bien considéré, aucun préjudice grave ou délai déraisonnable pour le procès ne découlerait de l’inclusion de ces éléments de preuve.
Les avocats de M. Ntaganda soutiennent que ces preuves ne doivent pas être admissibles et, en septembre dernier, ils ont demandé aux juges de première instance de supprimer du dossier d’affaire certaines réponses données par le témoin P-0901 lors de son interrogatoire par l’accusation. Dans une demande du 30 septembre 2015, l’avocat de la défense Stéphane Bourgon a argué que M. Ntaganda n’était pas accusé en tant qu’auteur direct de ces crimes et que l’accusation devrait être exclue de l’obtention de ces éléments de preuve indépendamment du statut, de l’âge ou de tout autre caractéristique de la victime présumée.
Le 30 octobre, les juges ont décidé que, dans le principe, ces preuves pouvaient être admissibles. Ils ont rejeté l’argument selon lequel un élément de preuve de ce type contesté par les avocats de M. Ntaganda n’était pas pertinent pour les charges confirmées. Les juges ont considéré qu’il y avait un lien entre ce type d’élément de preuve et les charges.
« La conduite d’un accusé, en particulier pendant la période des charges, a une incidence potentielle suffisante, notamment par rapport aux différents modes de responsabilité et aux mens rea », ont souligné les juges.
Les juges ont déclaré que le risque de préjudice était réduit de manière significative puisque M. Ntaganda n’était pas accusé d’avoir perpétré en personne des viols et de l’esclavage sexuel et que le procès étant entendu par des « juges professionnels qui ont la pleine capacité de ne prendre en compte ces preuves que dans leur contexte ou, le cas échéant, de refuser finalement de les pendre en compte ».
Les avocats de M. Ntaganda ne sont néanmoins pas satisfaits de la décision et ont demandé d’interjeter appel de la décision. Ils affirment que, en conséquence de la décision selon laquelle les preuves sur les crimes qui auraient été commis par M. Ntaganda en personne et qui ne sont pas inscrits dans le Document mis à jour contenant les charges (UDCC) sont admissibles, c’est à la défense qu’incombe la charge de protester lorsque l’accusation souhaite obtenir des éléments de preuve sur ces allégations et de démontrer que l’admission de ces preuves entraîne un préjudice grave ou un délai déraisonnable.
M. Bourgon a soutenu que puisque c’est à l’accusation qu’incombe la charge de la preuve et que ces éléments de preuve liés à des crimes non imputés ne sont pas en soi pertinents, la charge de justifier la nécessité de réfuter cette preuve pour prouver les autres charges doit incomber à l’accusation. « La charge imposée à la défense affecte par conséquent la conduite d’un procès équitable et rapide », a-t-il indiqué.
En réponse à la demande d’appel de la défense, l’accusation a indiqué que la défense avait mal interprété la décision car la chambre n’avait pas décidé si ces éléments de preuve seraient admis mais avait simplement rejeté l’argument de la défense selon lequel ces preuves ne pouvaient être obtenues et qu’elles ne devaient pas être admissibles par principe.
Le procureur Fatou Bensouda a affirmé que, comme pour tout autre preuve proposée, l’accusation aura besoin d’établir la pertinence et la valeur probante des preuves liées aux crimes qui auraient été perpétrés par M. Ntaganda en personne, pour lesquels il est poursuivi pour d’autres modes de responsabilité que celui de perpétration directe dans le UDCC, en tant que preuve des modes de responsabilité inclues dans le UDCC.
Ntaganda, un ancien chef adjoint de l’état-major général de l’Union des patriotes congolais (UPC), est accusé de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qu’il aurait commis ainsi que ses soldats en 2002 et 2003 dans la province d’Ituri, en République démocratique du Congo.
À l’ouverture de son procès devant la CPI en septembre dernier, le substitut du procureur Nicole Samson a déclaré que bien que M. Ntaganda ne serait pas poursuivi en tant qu’auteur direct de viol, les éléments de preuve montreraient qu’il a commis les viols, notamment sur les filles de sa garde rapprochée, ce qui démontrerait qu’il savait que des crimes sexuels étaient commis sur les enfants soldats de son groupe.