Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont refusé de réexaminer les mesures de protection en audience accordées à un témoin de l’accusation au procès de Bosco Ntaganda, jugeant « inapproprié » le fait d’augmenter le niveau des mesures de partiel à total.
Les juges Robert Fremr (juge président), Kuniko Ozaki et Chang-ho Chung ont décidé que les demandes de l’accusation relatives aux circonstances personnelles du témoin ne justifiaient pas un réexamen « exceptionnel » de son utilisation d’un pseudonyme pour y ajouter la déformation numérique du visage et de la voix lors des transmissions publiques de son témoignage.
Selon les juges, toutes les informations importantes sur la sécurité du témoin étaient en possession de la chambre lorsqu’elle avait rendu sa première décision sur des mesures de protection partielles. Ils ont affirmé que les demandes de l’accusation pour un réexamen n’avaient démontré « aucune erreur manifeste de raisonnement » ou une injustice, notamment concernant le bien-être du témoin.
Le témoin en question porte le pseudonyme de témoin P039. Il est le sixième témoin à être appelé par l’accusation au procès pour crimes de guerre qui se tient devant la CPI et a comparu devant les juges le 28 octobre 2015, via un lien vidéo. Le témoin, après avoir été informé que la chambre lui avait accordé des mesures de protection partielles, avait toutefois déclaré ne pas être en mesure de témoigner pour des raisons de sécurité.
Les juges n’ont pas accordé au témoin, avant sa première comparution, les mesures de protection consistant en une déformation numérique de la voix et du visage, affirmant que l’utilisation d’un pseudonyme limiterait suffisamment les risques pour la sécurité du témoin. La décision des juges s’est appuyée sur une évaluation de vulnérabilité conduite par l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins de la Cour (VWU).
Lorsque le témoin a refusé de témoigner le jour où il s’est présenté à la barre, l’accusation a demandé aux juges de reconsidérer leur décision antérieure ou bien de forcer le témoin à témoigner. Cette demande a été rejetée par une décision orale le même jour.
Le 3 novembre 2015, l’accusation a déposé une demande par écrit pour qu’une déformation numérique du visage et de la voix, en plus de l’utilisation d’un pseudonyme, soit accordée au témoin. Alors que les avocats représentant les victimes au procès ont soutenu les demandes de l’accusation, la défense s’y est opposée.
Les juges ont également rejeté la demande d’appel de l’accusation le 10 décembre, soulignant que la décision ne concernait « qu’un seul témoin de crimes » et que, par conséquent, elle n’avait pas d’impact direct sur la capacité de l’accusation d’appeler d’autres témoins pour garantir la tenue d’un procès équitable et rapide.
Les témoins qui comparaissent devant la CPI risquent parfois de subir des représailles. Un grand nombre des personnes ayant témoigné lors des procès en cours ont comparu avec des mesures de protection pour protéger leurs identité. Beaucoup de témoins ont également apporté l’essentiel de leurs témoignages à huis clos et les noms de personnes, d’endroits et d’organisations qui pourraient permettre de découvrir leur identité ont été rarement mentionnés en séance publique.
En plus des mesures de protection mises en place pour protéger l’identité des témoin du public lors des audiences, un soutien psychologique, des conseils et des mécanismes de sécurité, tels que la réinstallation sont parfois employés par les instances de la Cour avant, pendant et après le témoignage.
Jusqu’à présent, un seul témoin du procès Ntaganda a témoigné sans l’utilisation de mesures de protection. Il s’agit de Roberto Garretón, dénommé également témoin P931, un ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme au Congo.
Jeudi 4 février, le témoin P017 a conclu sa déposition. La majorité de son témoignage, qui a duré toute une semaine, s’est déroulée à huis clos.
Lorsdes déclarations liminaires du 3 septembre 2015, les avocats de la défense ont critiqué l’utilisation à venir de séances à huis clos lors du témoignage de certains témoins, ce qui, selon eux, pourrait priver M. Ntaganda du droit de bénéficier d’un procès public et pourrait saper les efforts déployés pour établir la véracité des témoignages.
Les audiences devraient se poursuivre lundi 8 février.