Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont rejeté une demande de l’accusation d’admettre en tant que preuve un rapport médical détaillant la nature des lésions subies par un témoin qui affirmait avoir été blessé par balle par les troupes de Bosco Ntaganda. Les juges pourraient toutefois reconsidérer l’admission du rapport si l’accusation présentait une nouvelle demande en s’appuyant sur les règles applicables de la Cour.
Le rapport détaille un examen médical mené au début de l’année par un expert indépendant, le Dr Pierre Perich.L’examen visait à établir si les lésions alléguées étaient cohérentes avec la localisation des blessures, de leur cause et de la date approximative de leur survenue indiquées dans le témoignage d’un témoin.
Selon la défense, le fait de savoir si le témoin avait reçu ou non des balles de soldats de l’Union des patriotes congolais (UPC) était un aspect important de la présentation des moyens par l’accusation et une question centrale pour la crédibilité du témoin P790. Bien qu’elle ait demandé aux juges de demander un examen médical du témoin, la défense a fait valoir qu’il était probable qu’aucune preuve qui serait présentée par l’accusation ne corroborerait le témoignage du témoin P790 sur les blessures qu’il affirme avoir subies.
Dans une requête adressée aux juges pour l’admission du rapport médical, l’accusation a affirmé que le Dr Perich avait conclu que le témoin présentait des cicatrices de lésions qui étaient cohérentes avec son récit des événements. L’accusation a affirmé que les conclusions de l’expert étaient pertinentes quant aux questions litigieuses, que son rapport présentait suffisamment d’indices de fiabilité et que sa valeur probante l’emportait sur tout effet préjudiciable que son admission pourrait avoir sur l’accusé.
Mais les avocats de la défense se sont opposés à l’admission du rapport à moins que l’expert ne soit appelé pour témoigner devant les juges. La défense a reconnu la pertinence du rapport et les qualifications du Dr Perich mais a contesté la pertinence du rapport par rapport à la procédure qu’il a suivi.
La défense a fait valoir que si une opportunité ne lui était pas donnée de contre-interroger le docteur, l’effet préjudiciable d’admettre le rapport pourrait être beaucoup plus important que sa valeur probante. Les avocats de la défense souhaitaient contre-interroger le Dr Perich sur sa méthodologie, entre autres, puisque, de leur avis, contrairement à l’étendue de l’examen demandé, il semblait que les conclusions de l’expert étaient basées sur le récit des faits apporté directement par le témoin lors de son examen médical.De plus, la défense a affirmé que le rapport était incomplet puisque plusieurs questions centrales pour la crédibilité du témoin restaient sans réponse , telles que la chronologie des lésions subies et leur cause.
Les juges ont souligné que l’admissibilité des documents, notamment des rapports d’expert, sera déterminée sur la base de la pertinence, de la valeur probante et de tout préjudice que l’admission pourrait causer à l’équité du procès. Dans leur décision du 9 mai, les juges ont déclaré que, en application de la règle 68 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour, le principe de la primauté de l’oral devant la Cour pouvait être dérogé au témoignage audio et vidéo d’un témoin préalablement enregistré, ou une transcription ou toute autre preuve écrite de ce témoignage pouvait être examiné pour l’admission si les critères d’une disposition ou plus étaient respectées.
À cet égard, les juges ont fait remarquer que les rapports de l’expert étaient admis en tant qu’éléments de preuve dans le procès Ntaganda conformément à la procédure fixée à la règle 68(3).Par conséquent, les juges ont décidé que si l’accusation souhaitait donner suite à l’admission du rapport, elle devra le faire conformément à la règle 68 qui régit l’admission de témoignages préalablement enregistrés. Il n’a pas été clairement indiqué si l’accusation avait déclaré vouloir présenter une nouvelle demande d’admission du rapport.
Ntaganda, un ancien chef adjoint de l’état-major de l’UPC, est jugé devant la Cour basée à La Haye pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont le meurtre, le viol, l’esclavage sexuel, le pillage et l’utilisation d’enfants soldats, entre autres. Les crimes présumés, que M. Ntaganda nie, ont été commis dans la province congolaise d’Ituri en 2002 et 2003.