Après un mois de pause, les audiences du procès de Bosco Ntaganda reprennent aujourd’hui devant la Cour pénale internationale (CPI) avec la déposition du 20ème témoin de l’accusation. La totalité du témoignage de cette personne qui se présente sous le pseudonyme de témoin P190 a été entendue à huis clos.
Dans les brefs moments donnés en séance publique, le témoin P190 a raconté les opérations de combat des troupes de M. Ntaganda dans différentes villes de la République démocratique du Congo (RDC) en 2002-2003. Les villes, dont certaines avaient été assiégées pour des motifs que le témoin a décrit comme étant financiers, comprenaient Mabanga et Mongbwalu. Le témoin P190, qui était interrogé par le substitut du procureur Eric Iverson, a déclaré que, pour chacune des attaques, il y avait de nombreuses causes, notamment les civils.
« L’objectif des opérations de Mabanga était essentiellement d’obtenir de l’argent. Mabanga était composée de différentes tribus qui étaient des chercheurs d’or », a-t-il indiqué puis il a ajouté : « [Le] but était de les chasser. Quiconque leur résistait était tué par les troupes de Bosco ».
Le témoin a précisé que les opérations à Mabanga étaient initiées par M. Ntaganda. Il a également rappelé que, durant la prise de contrôle de la ville minière de Mongbwalu, « beaucoup de civils étaient morts », y compris des femmes et des enfants. Il est difficile de savoir à partir du témoignage d’aujourd’hui si ce témoin était un combattant de la milice de M. Ntaganda.
Selon les procureurs, le témoin P190 devrait fournir un témoignage « direct » sur le rôle de M. Ntaganda au sein de l’Union des patriotes congolais (UPC) et sur les actes et la conduite de l’accusé par rapport au nombre « important » des 13 chefs de crimes de guerre et des 5 chefs de crimes contre l’humanité pour lesquels il est jugé.
Dans une demande pour des mesures de protection en audience destinées à ce témoin, les procureurs ont affirmé qu’il était « facilement identifiable », ce qui justifiait une « prudence supplémentaire » lors de son témoignage. Les procureurs ont soutenu que l’utilisation d’un pseudonyme ainsi que la déformation numérique de la voix et du visage lors des transmissions publiques de la déposition du témoin P190 étaient nécessaires pour garantir qu’il puisse apporter un témoignage sans aucune peur sur sa sécurité et celle de sa famille. De plus, les mesures garantiraient son bien être psychologique, sa dignité et sa vie privée et éviteraient d’avoir recours à des mesures de protection intrusives pour le témoin et ses proches après avoir conclu son témoignage.
La défense s’est opposée à la demande de l’accusation, affirmant qu’il n’y avait pas de « risques objectivement justifiables » pour la sécurité du témoin. De leur côté, les avocats représentant les victimes au procès ont soutenu les mesures de protection demandées par l’accusation.
Dans une décision du 3 juin 2016 garantissant des mesures de protection au témoin, les juges ont souligné qu’ils avaient pris en considération une évaluation réalisée par l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) de la Cour qui indiquait un risque accru de la sécurité du témoin s’il témoignait en séance publique.
« La Chambre estime que, dans la situation actuelle, des risques objectivement justifiables existent pour le témoin et sa famille qui motive la protection de l’identité du témoin du public », a déclaré le juge. Les juges ont ajouté que la nécessité de séances à huis clos ou les corrections des documents publics seraient décidé au cours de la déposition du témoin P190.
Ntaganda a exercé les fonctions de chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC),la branche armée de l’UPC qui était dirigé par Thomas Lubanga. Les combattants du groupe auraient commis des atrocités dans la province congolaise d’Ituri lors des conflits ethniques entre 2002 et 2003. M. Ntaganda a plaidé non coupable pour l’ensemble des charges retenues à son encontre lors du procès qui s’est ouvert en septembre dernier.
Le témoin P190’ poursuivra sa déposition demain matin.