Le témoin de crime appelé par l’accusation dans le procès de Bosco Ntaganda qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI) a apporté la totalité de son témoignage à huis clos. Le témoin, qui se présente sous le pseudonyme de témoin P894, a été interrogé par les procureurs pendant une heure et demie tandis que la défense l’a contre-interrogé pendant trois heures.
Dans une ordonnance orale du 10 juin, les juges ont décidé que la déclaration antérieurement enregistrée par le témoin P894 ainsi que deux dessins qu’il a réalisé soient admis dans leur « totalité »dans le dossier de l’affaire en tant qu’éléments de preuve. Les procureurs ont demandé l’admission de document en tant que preuve afin de garantir la rapidité du procès « en diminuant la durée de son témoignage en audience ».
Dans leur demande aux juges, les procureurs ont affirmé que le bref interrogatoire oral du témoin permettrait « d’obtenir un témoignage limité » après confirmation de l’exactitude de sa déclaration antérieurement enregistrée.
« L’accusation souhaite être autorisée à poser au témoin P894 un nombre restreint de questions visant à fournir des éclaircissements ainsi que des questions spécifiques et ciblées pour examiner les aspects essentiels de son témoignage identifiés par l’accusation », a déclaré le procureur Fatou Bensouda dans un document confidentiel, une version expurgée du document déposé hier.
Auparavant, le 27 mai 2016, Me Bensouda avait déposé une demande de mesures de protection pour le témoin P894. Dans le document lourdement expurgée, il semble que la déposition du témoin concernait, entre autres, les tensions ethniques dans la province congolaise d’Ituri, un meurtre non divulgué et deux attaques commises par l’Union des patriotes congolais (UPC) dans la ville de Mongbwalu.
Selon les procureurs, le témoin P894 a fait part de ses inquiétudes sur le fait de témoigner en public devant la CPI car il « redoutait des répercussions négatives si sa coopération avec la Cour était révélée ». Il semble que le témoin et sa famille résident dans un lieu non divulgué où la milice démobilisée, y compris des partisans de l’accusé vivent. Bien que le témoin n’ait pas été la cible de menaces directes ou spécifiques, et que son implication avec la Cour n’ait pas été divulguée à sa famille et à la communauté, il « se sentait en danger ».
« Les mesures de protection demandées sont nécessaires pour éviter de dévoiler l’identité du témoin P894, compte tenu du risque potentiel de représailles de la part de partisans de l’accusé », a soutenu Me Bensouda. Elle a ajouté que les mesures de protection destinées au témoin garantiront son bien-être psychologique, sa dignité et sa vie privée ainsi que sa sécurité personnelle et celle de sa famille.
Le témoin P894 est la 22ème personne à témoigner pour l’accusation dans le procès Ntaganda qui s’est ouvert devant la CPI en septembre dernier. L’ancien chef adjoint de l’état-major de l’UPC est accusé de 13 chefs de crimes de guerre et de 5 chefs de crimes contre l’humanité. Les crimes auraient été commis en 2002-2003 alors que la milice de l’UPC tentait d’expulser les groupes ethniques qui n’étaient pas Hema de certaines parties d’Ituri.
À l’ouverture du procès, Me Bensouda a indiqué que l’accusation avait l’intention d’appeler jusqu’à 80 témoins, dont des experts, des membres de la milice qui travaillaient avec M. Ntaganda, des victimes et des témoins oculaire afin qu’ils apportent un témoignage sur les crimes qui auraient été perpétrés par l’accusé et ses soldats. On ignore si l’accusation a toujours l’intention d’appeler ce nombre de témoins.
Les audiences du procès se poursuivront lundi 20 juin avec le témoignage d‘un nouveau témoin se présentant sous le pseudonyme de témoin P888.