Un anthropologue légiste, qui avait mené des fouilles et des exhumations sur des sites sur lesquels, d’après la population locale, des victimes des meurtres de masse de la milice de Bosco Ntaganda avaient été enterrées, a déclaré que son équipe n’avait pas trouvé de fosses communes dans la plupart des sites.
En 2014, l’équipe engagée par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait exhumé 14 corps de quatre tombes dans la région d’Ituri en République démocratique du Congo mais elle n’avait pu déterminer ni la cause du décès ni combien de temps les corps avaient été enterrés. Le Dr Congram, un archéologue et anthropologue légiste canadien qui a témoigné cette semaine pour l’accusation dans le procès Ntaganda, a indiqué que certains corps avaient été « correctement enterrés », suggérant que l’enterrement avait été réalisé par des membres de la famille.
Dénommé également témoin P-0420, le Dr Congram qui témoigne en tant que témoin expert a fourni des rapports à la Cour qui expliquent les conclusions de son équipe sur les excavations et exhumations à Kobu et Sayo au Congo. Il a analysé personnellement les restes d’une personne exhumée à Kobu et ceux de cinq personnes à Sayo. Cinq corps ont été trouvés à Sayo dans une seule tombe peu profonde près de la route, ce qui indiquait qu’il ne s’agissait pas de « décès normaux ». Trois des corps étaient ceux de jeunes gens, probablement d’adolescents.
L’avocat de la défense Christopher Gosnell a mis en cause le manque de précision du rapport de l’expert, particulièrement sa conclusion selon laquelle les restes auraient pu être enterrés à une période antérieure comprise entre 1 et 20 ans.L’expert a répondu qu’il y avait des limites dans la capacité des anthropologues légistes à établir des dates précises auxquelles les corps avaient été enterrés. Toutefois, il a ajouté que, parce que les restes avaient été trouvés les uns à côté des autres, il semblait que les inhumations se soient produites à peu près au même moment.
Le Dr Congram a déclaré que, bien que les habitants locaux aient indiqué qu’il y avait des tombes à l’est et à l’ouest de la porte de l’église catholique de Sayo, les enquêteurs n’avaient trouvé aucune tombe dans cette zone. Après que l’équipe ait échoué à trouver des tombes qui reflèteraient les massacres qui auraient été commis par les témoins, « nous nous sommes demandé si la place de l’église n’avait pas changé étant donné qu’il s’agissait d’une structure en bois et non d’une structure à caractère permanent ».
Le procès a précédemment entendu que la milice de l’Union des patriotes congolais (UPC), dans laquelle M. Ntaganda était commandant en chef, avait gardé plusieurs prisonniers dans une fosse couverte d’une plaque d’acier près d’une église de Sayo et lorsqu’ils étaient partis de nombreux corps en décomposition avaient été trouvés dans la zone.
« Avez-vous trouvé des tombes qui concorderaient avec les événements de février 2003 dans le voisinage de l’église catholique ? », a demandé Me Gosnell, faisant référence au témoignage de l’accusation citant des meurtres présumés dans cette zone.
« Non, ce n’est pas le cas », a répondu l’expert.
L’expert a déclaré que les fouilles dans un site différent, où un habitant avait indiqué que sa sœur et son petit-fils avaient été enterrés, n’avaient pas permis de trouver de dépouille. Il a précisé qu’il ne savait pas si, dans cette partie de l’Ituri, les membres des familles marquaient d’une tombe les lieux de sépulture, puisque cette pratique variait suivant les cultures.
Le Dr Congram a déclaré que n’avait trouvé aucun corps dans un site à Kobu où des résidents prétendaient que 18 à 20 personnes avaient été enterrées dans une fosse commune. « Nous avons vérifié soigneusement la zone et n’avons trouvé aucune fosse collective dans ce site », a-t-il déclaré. Différents témoins de l’accusation ont témoigné du meurtre de 50 civils environ commis par des combattants de l’UPC dans une plantation de bananes à Kobu.
L’expert a témoigné que le mauvais état des squelettes posait des difficultés pour conclure si les dommages infligés aux squelettes avaient été effectués post-mortem ou périmortem. « La plupart des dommages ont été infligés post mortem », a-t-il précisé, ajoutant qu’il était difficile de vérifier quels étaient les traumatismes périmortem compte tenu des nombreux dommages post-mortem. Le Dr Congram a toutefois indiqué avoir constaté deux blessures qui étaient cohérentes avec des blessures par balle à la tête et au coude.
Interrogé par Me Gosnell pour savoir si ces lésions étaient cohérentes avec autre chose, l’expert a répondu : « Pour moi, la [cause] la plus probable, en se basant sur la nature des fractures, est une blessure par balle mais je ne peux dire avec certitude que ces lésions n’ont pas été causées par d’autres projectiles similaires ». Le Dr Congram a déclaré que les blessures pouvaient résulter de traumatismes provoqués par des objets contondants.
Le Dr Congram a conclu son témoignage qui a duré deux jours. Les audiences se poursuivront demain.