Un professeur de médecine légale, qui a procédé à l’examen clinique de quatre victimes d’attaques présumées commises par des membres de l’Union des patriotes congolais (UPC) de Bosco Ntaganda, a témoigné sur l’étendue des blessures infligées aux personnes examinées.
Le Dr Sophie Gromb Monnoyeur, qui dirige un hôpital universitaire en France, a rédigé quatre rapports sur les conséquences physiques des traumatismes en ce qui concerne les quatre témoins de l’accusation (P-0018, P-0019, P-0108 et P-0113). Aujourd’hui, elle a témoigné que bien qu’elle ait été en mesure d’établir la nature de certaines blessures physiques des personnes examinées, elle n’a pu, dans certains cas, parvenir à des conclusions définitives étant donné le temps écoulé depuis que les blessures avaient été infligées.
Selon le Dr Monnoyeur,après avoir examiné les cicatrices des blessures, entendu les explications des victimes et étudié d’anciens documents concernant les lésions, elle était parvenue à des conclusions sur la cause probable de certaines blessures. Cependant, pour certaines lésions, il n’a pas été possible de déterminer l’instrument spécifique qui avait causé les dommages.
Les individus examinés étaient des victimes d’attaques qui auraient été commises par des soldats de l’UPC il y a plus de 13 ans, lorsque la milice UPC figurait parmi les groupes armés engagés dans un conflit ethnique dans la province congolaise d’Ituri. M. Ntaganda, qui a été chef adjoint de l’état-major de l’UPC, est jugé devant la Cour pénale internationale pour plusieurs crimes qui auraient été commis par lui-même et ses soldats.
L’expert a expliqué que, hormis les plaintes des victimes au sujet de « douleurs et de gêne fonctionnelle », elle avait procédé à un examen clinique de chacune d’entre elles, leur demandant de marcher avec différentes postures et « lorsque cela a été possible… j’ai examiné les muscles des victimes et j’ai effectué des examens neurologiques ».
L’expert a également été interrogé sur les blessures faites aux organes génitaux des victimes de viol. « Quel est le temps de guérison pendant lequel les lésions peuvent être examinées par un expert médical ? », a demandé le substitut du procureur Eric Iverson.
« Si l’hymen était intact avant l’acte [le viol], les blessures [observables] peuvent disparaitre en 10-15 jours et ces lésions peuvent guérir en 15 jours bien que la défloration demeure », a répondu le Dr Monnoyeur.
Au Congo, où elle a examiné des victimes de violences et d’agressions qui peuvent comprendre l’utilisation d’objets, la guérison a pu prendre beaucoup plus longtemps. Elle a toutefois ajouté que, « j’ai examiné des centaines de victimes d’agressions sexuelles et il est difficile d’en trouver des signes après plusieurs années ».
Lors du contre-interrogatoire mené par l’avocat de la défense Marlène Yahya Haage, le Dr Monnoyeur a déclaré que, bien qu’elle n’ait pas été présente au Congo à l’époque à laquelle les blessures avaient été infligées, ce qui signifiait qu’elle n’avait pas examiné les lésions alors qu’elles étaient récentes, ses conclusions étaient cohérentes avec ce que les victimes avaient déclaré avoir subi.
La défense a pourtant remis en cause les méthodes de l’expert, en particulier les examens des lésions osseuses sur certaines desquelles ses observations et conclusions étaient basées.
« J’aurai pu être plus précise sur les lésions osseuses que j’ai évalué par un examen physique », a expliqué le Dr Monnoyeur. « Il aurait été mieux de procéder à un examen complémentaire avec des scanners et des radios mais je m’en suis accommodée pour apporter mes conclusions sur les blessures physiques ».
Étant donné que l’expert témoignait sur des photos qui auraient pu être utilisées pour identifier les personnes examinées, la majeure partie de son interrogatoire a été menée à huis clos. De plus, parce que les juges ont autorisé l’admission de ses rapports en tant qu’élément de preuve, elle a été brièvement interrogée lors d’un témoignage centré sur les méthodes qu’elle avait utilisées et les conclusions qu’elle avait rendues.
En début de semaine, deux témoins ont comparu avec des mesures de protection, notamment une déformation numérique du visage et de la voix lors des brefs moments pendant lesquels leurs témoignages ont été retransmis. Les fonctionnaires de la Cour ont indiqué que leurs pseudonymes fournis par la Cour leur avaient été données pour que leurs identités ne soient pas dévoilées au public.
Les audiences du procès se poursuivront demain matin avec la déposition d’un nouveau témoin de l’accusation.