Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont rejeté la demande de l’ancien chef rebelle congolais Bosco Ntaganda de suspendre la procédure. Les juges ont décidé que les enregistrements de ses communications, qui indiqueraient l’implication de M. Ntaganda dans la subornation de témoin, avaient peu d’intérêt pour son procès en cours.
Lundi dernier, les avocats de M. Ntaganda ont demandé aux juges d’ajourner les procédures afin qu’ils puissent analyser les enregistrements et faire des demandes d’impact des enquêtes relatives à la subornation de témoin sur l’équité du procès.
La demande de la défense faisait suite à un avis de l’accusation affirmant que M. Ntaganda était impliqué dans un « large plan pour entraver le cours de la justice, notamment en préparant les témoins de la défense potentiels, en faisant obstruction aux enquêtes de l’accusation et en exerçant des pressions sur les témoins de l’accusation » dans son procès en cours. Ces affirmations étaient basées sur l’examen de 450 enregistrements de communications non confidentielles de M. Ntaganda et de son ancien supérieur de l’Union des patriotes congolais (UPC) Thomas Lubanga.
Dans une décision orale du 16 novembre, les juges ont reconnu que les informations divulguées « pourraient évidemment avoir un impact sur des aspects » de la stratégie de la défense mais qu’une suspension immédiate du procès n’était pas garantie. Ils ont laissé entendre que la défense pourrait se voir accorder du temps pendant la préparation de sa plaidoirie pour déposer des demandes sur les documents divulgués.
Concernant le préjudice potentiel résultant de la non divulgation par l’accusation de l’étendue des enquêtes menées sur la subornation de témoin, les juges ont fait remarquer qu’une note déposée par l’accusation le 15 novembre confirmait qu’il n’y avait aucune surveillance des communications des avocats de la défense. Quant à la suggestion des avocats de la défense qu’un expert indépendant examine les communications de M. Ntaganda pour filtrer le contenu relatif à la stratégie de la défense, les juges ont souligné que l’accusation avait également confirmé qu’aucune communication avec des personnes confidentielles n’avaient été incluses dans l’examen des enregistrements.
Dans son observation, la défense a soutenu que l’accusation avait omis de se conformer à ses obligations de divulgation en communiquant les informations 13 mois après les avoir reçues. Les juges Fremr, Kuniko Ozaki et Chang-ho Chung ont cependant déclaré que la défense avait « été avertie » des allégations de subordination de témoin avant le début du procès, plus particulièrement dans le cadre du litige en cours concernant les restrictions sur les communications de M. Ntaganda. « La défense est censée avoir débattu de la question avec M. Ntaganda et de l’avoir gardé à l’esprit lors des enquêtes et des contre-interrogatoires qui ont été menés jusqu’à présent », a déclaré le juge Fremr.
Les juges ont néanmoins reconnu le « grand volume » des informations divulguées par l’accusation et le besoin« incontestable » de la défense d’avoir l’opportunité d’examiner les documents et qu’elle doive par la suite chercher des recours pour tous les préjudices qui ont pu survenir. Par conséquent, les juges ont ordonné à la défense de « chercher une assistance supplémentaire » auprès du Greffe de la Cour pour répondre aux besoins de ressources afin d’examiner les documents divulgués.
À la suite de cette décision, l’avocat de la défense Stéphane Bourgon a demandé un effet suspensif de celle-ci afin que son équipe puisse demander une autorisation d’appel de la décision. L’accusation et les représentants légaux des victimes se sont opposés à cette demande, arguant qu’elle retarderait le procès. Les juges ont rejeté la demande, la qualifiant d’être « l’équivalent d’un réexamen » de la décision rejetant la suspension de la procédure.
Le procès s’est poursuivi avec la déposition du témoin P911, le 52ème témoin à se présenter pour l’accusation. L’essentiel du contre-interrogatoire du témoin par la défense s’est déroulé à huis clos.
Le procès doit se poursuivre lundi matin.