Le procès du chef de milice congolais Bosco Ntaganda fait une pause aujourd’hui pour ses vacances d’hiver après avoir entendu le témoignage du 11ème témoin expert appelé par l’accusation. Le témoignage du Dr Lynn Lawry, une épidémiologiste, s’est axé sur la violence sexuelle commise dans la province congolaise d’Ituri entre 2000 et 2005.
En 2010, le Dr Lowry a mené une étude au sein de 998 ménages situés dans diverses localités du Congo sur les violations des droits de l’homme subies lors d’une période couvrant les cinq ans du conflit. Elle a déclaré que 272 entretiens ont été réalisés en Ituri, où les procureurs affirment que M. Ntaganda, avec les forces rebelles de l’Union des patriotes congolais (UPC), a commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pour lesquels il est jugé devant la Cour pénale internationale (CPI).
Selon le rapport du Dr Lowry, que les procureurs ont admis en tant qu’élément de preuve, 40 des foyers sondés en Ituri, soit un sur sept, ont signalé avoir subis des abus de la part de combattants de l’UPC. Cinq des brutalités présumées commises par les rebelles de l’UPC étaient des viols. L’étude présentait 13 autres personnes interrogées qui rapportaient des viols perpétrés par des combattants des autres groupes.
Le Dr Lawry a déclaré que les informations sollicitées lors des interviews comprenaient les agressions subies par chaque répondant ainsi que le signalement d’agressions subies par les autres membres du foyer. Elle a reconnu que, toutefois, l’étude ne collectait pas de données sur la fiabilité de ces signalements présumés.
Interrogé par l’avocat de la défense Christopher Gosnell pour savoir si l’étude avait établi comment un interviewé avait entendu parler d’agressions subies par les autres personnes du foyer, le Dr Lowry a répondu, « Non, il ne s’agit que de déclarations individuelles ». Ce sont également les répondants, et non les chercheurs, qui se sont chargés d’attribuer la responsabilité des abus.
Me Gosnell a également soutenu que des signalements secondaires d’agressions subies il y a plus de 10 ans auparavant étaient discutables.
« Je pense que cela dépend de l’agression, de la situation et de la personne qui l’a subie. Par exemple, s’il s’agit d’un enfant [victime], sa mère s’en souvient sûrement », a répondu le Dr Lawry.
« Estimez-vous que la nature traumatique d’un évènement facilite le fait de s’en souvenir avec plus d’exactitude ? », a demandé Me Gosnell.
« Je ne dirais pas que c’est plus facile mais que les gens peuvent ainsi se le rappeler. C’est difficile à oublier », a répondu le témoin.
Les juges ont refusé d’entendre le témoignage proposé d’un autre témoin expert sur la violence sexuelle, Radhika Coomaraswamy, l’ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence contre les femmes et représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU sur les enfants et les conflits armés. Dans leur décision, les juges ont reconnu l’expérience et l’expertise de Mme Coomaraswamy mais ont conclu que le témoignage proposé relevait « de la compétence de la chambre ». Concernant son rapport, que les procureurs ont demandé à admettre en tant que preuve, les juges ont noté qu’il « fournissait essentiellement des avis juridiques sur certains éléments des crimes imputés » et que, afin de se concentrer et de garantir une procédure efficace, il ne devrait pas être admis comme élément de preuve.
Les audiences du procès Ntaganda devraient reprendre le mercredi 18 janvier 2017.