Les juges de première instance ont affirmé que la Cour pénale internationale (CPI) était compétente pour juger Bosco Ntaganda pour les crimes présumés de viol et d’esclavage sexuel d’enfants soldats perpétrés au sein de l’Union des patriotes congolais (UPC) par des combattants du même groupe.
Les deux charges sont incluses dans les 18 chefs d’accusation auxquelles M. Ntaganda répond devant la CPI. L’accusation soutient que M. Ntaganda, en tant qu’ancien chef adjoint de l’état-major de l’UPC, est pénalement responsable du viol et de l’esclavage sexuel des enfants soldats appartenant à la milice commis par leurs commandants et soldats.
Lors de son procès qui s’est ouvert à La Haye en septembre 2015, M. Ntaganda a contesté la compétence de la Cour pour le juger pour ces charges. Les avocats de la défense ont estimé que, en vertu de l’article 3 des Conventions de Genève de 1949, les crimes de guerre ne pourraient pas être commis par des membres d’une force armée contre des membres de la même force armée. Selon ces derniers, la victime d’un crime de guerre dans un conflit armé non international devait être une personne protégée au sens de l’article 3, à savoir toute personne « ne participant pas directement aux hostilités ».
Cependant, dans une décision émise mercredi, les juges de la Chambre de première instance VI, Robert Fremr (juge président), Kuniko Ozaki et Chang-ho Chung ont rejeté l’argumentation de la défense. Ils ont affirmé que le cadre légal de la Cour n’exigeait pas que les victimes de ces crimes soient des personnes protégées. La Chambre a conclu que limiter la portée de la protection selon les modalités proposées par la défense« était contraire au fondement du droit humanitaire international, qui vise à atténuer les souffrances résultant d’un conflit armé ».
Les juges ont conclu qu’il n’est pas exclu que les membres d’une même force armée soient des victimes potentielles des crimes de guerre de viol et d’esclavage sexuel, en raison de la manière dont ces crimes ont été incorporés au Statut de Rome ou sur la base du droit international humanitaire ou du droit international en général. En conséquence, la Chambre a estimé qu’elle était compétente pour connaître du comportement allégué décrit aux deux chefs d’accusation (6 et 9) portés à l’encontre de M. Ntaganda.
Cette décision peut permettre de mettre un terme à une question qui a soulevé des arguments substantiels depuis l’étape préliminaire de l’affaire Ntaganda. La défense a affirmé que ces crimes pouvaient être érigés en infraction pénale et punis localement comme tous les autres crimes commis par des soldats à l’encontre d’autres membres de la même force.
Dans ses observations, l’accusation a soutenu que la CPI était compétente pour les deux chefs d’accusation contestés puisque le Statut de Rome ne limitait pas la responsabilité pénale pour le viol et l’esclavage sexuel sur la base du statut ou des activités des victimes. Elle a également avancé que ni l’article 3 commun aux Conventions de Genève ni le droit humanitaire international en général n’exigeait qu’une victime et un auteur aient des affiliations différentes.
Les juges ont écrit que« alors que la plupart des interdictions expresses du viol et de l’esclavage sexuel relevant du droit humanitaire international surviennent dans des contextes protégeant les civils et les personnes hors de combat se trouvant au pouvoir d’une partie au conflit, la chambre ne considère pas que ces protections explicites définissent d’une manière exhaustive, ou limite en fait, l’étendue de la protection contre ces comportements ».
Ntaganda réponds de 11 autres chefs de crimes de guerre (meurtre et tentative de meurtre, attaque contre des civils, viol, esclavage sexuel, pillage, déplacement de civils, attaques contre des biens protégés, destruction des biens de l’ennemi, enrôlement et conscription d’enfants soldats de moins de 15 ans ainsi que leur utilisation pour participer activement à des hostilités). De plus, il répond de cinq chefs de crimes crimes contre l’humanité (meurtre et tentative de meurtre, viol, esclavage sexuel, persécution, transfert forcé de population). Les crimes auraient été commis dans la province congolaise d’Ituri lors d’un conflit ethnique qui s’est déroulé en 2002 et 2003.