Un ancien juge de la région d’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), figure parmi les rares témoins à témoigner en public contre l’ancien chef rebelle Bosco Ntaganda devant la Cour pénale internationale (CPI). Jacques Kabasele, dénommé également témoin P043, s’est présenté à la barre aujourd’hui pour témoigner sous son vrai nom et à visage découvert lors des transmissions publiques de son témoignage.
Vendredi dernier, les juges ont refusé d’accorder à ce témoin l’utilisation d’un pseudonyme et d’une déformation numérique de sa voix et de son image, soulignant que son témoignage antérieur devant la Cour était« connu du public » et qu’il n’y avait eu aucun signalement de risques pour sa vie du fait de sa coopération avec les procureurs de la Cour. Les juges ont également décidé que, étant donné sa localisation actuelle et la nature prévisible de son témoignage, il n’y avait pas de risque objectivement justifié pour le témoin ou sa famille.
Kabasele a témoigné antérieurement au procès de Thomas Lubanga, un ancien chef rebelle congolais qui purge actuellement une peine de prison de 14 ans pour l’utilisation d’enfants soldats. Aujourd’hui, les juges ont admis la déclaration faite en 2005 par M. Kabasele aux procureurs de M. Lubanga dans le dossier de l’affaire Ntaganda.
Kabasele a exercé les fonctions de président de la Cour de Grande Instance à Bunia, la capitale de l’Ituri, en 2001-2003. Selon sa déclaration, dont des extraits ont été lus devant la Cour, il a été arrêté et retenu prisonnier en novembre 2002 par des soldats appartenant à l’Union des patriotes congolais (UPC). À l’époque, l’UPC était dirigée par M. Lubanga et M. Ntaganda occupait le troisième poste en termes d’importance dans la hiérarchie du groupe. L’UPC contrôlait également l’Ituri pendant cette période. Dans son témoignage de mars 2009 devant la CPI, M. Kabasele a raconté que les dirigeants de l’UPC avaient racketté des commerçants et que des combattants du groupe l’avaient arrêté.
La règle 68(3) du Règlement de procédure et de preuve prévoit que les juges peuvent autoriser l’introduction de témoignages préalablement enregistrés d’un témoin qui comparaît devant la Chambre s’il ne s’y oppose pas et si les deux parties et la Chambre ont la possibilité d’interroger le témoin.
Hormis des témoins experts, M. Kabasele n’est que le troisième témoin à se présenter sans aucune mesure de protection. Le reste des témoins, qui sont plus de 50, ont témoigné avec un pseudonyme et avec une déformation de leurs voix et de leurs images lors des transmissions publiques de leurs témoignages. Cette mesure vise à garder les identités des témoins secrètes afin qu’ils ne s’exposent pas à des attaques pour leur coopération avec la Cour.
Ntaganda est jugé pour cinq chefs de crimes crimes contre l’humanité : meurtre et tentative de meurtre, viol, esclavage sexuel, persécution et transfert forcé de population. Il répond également de 13 chefs de crimes de guerre : meurtre et tentative de meurtre, attaque contre des civils, viol, esclavage sexuel, pillage, déplacement de civils, attaques contre des biens protégés, destruction des biens de l’ennemi ainsi que : viol, esclavage sexuel, enrôlement et conscription d’enfants soldats de moins de 15 ans et utilisation de ces enfants soldats pour qu’ils participent activement à des hostilités.
Les crimes présumés auraient été perpétrées lorsqu’il exerçait les fonctions de chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo, la branche armée de l’UPC. M. Ntaganda et les combattants du groupe auraient commis des atrocités en Ituri lors d’un conflit ethnique qui s’est déroulé entre 2002 et 2003.
Les audiences du procès devraient se poursuivre vendredi, le 3 février, avec la déposition d’un nouveau témoin de l’accusation.