L’avocat de la défense Stéphane Bourgon a rejeté la déposition d’un témoin appelé par les représentants légaux des victimes et l’a accusé d’inventer des histoires au sujet de l’ancien chef de milice congolais Bosco Ntaganda devant la Cour pénale internationale (CPI).
Les allégations de l’avocat ont été faites vendredi, en réponse au témoignage du témoin V3 prétendant que, à la fin de 2002, M. Ntaganda et son supérieur au sein de l’Union des patriotes congolais (UPC), Floribert Kisembo, avaient visité la maison de son père à trois occasions pour discuter d’une alliance avec la milice. À la suite d’un refus, M. Ntaganda aurait dirigé un groupe de soldats qui avaient arrêté et tué le père du témoin.
« En se basant sur le témoignage entendu et les informations que nous avons recueillies lors de notre instruction, en complément à nos informations provenant de notre chef de la [zone] où les réunions [présumées] ont eu lieu, je dirai que vous avez inventé ces réunions », a déclaré Me Bourgon. Il a estimé que M. Ntaganda et M. Kisembo n’avaient pas assisté aux réunions avec le père du témoin.
Le témoin a répondu, « C’est absolument faux », ajoutant que les personnes dont les informations étaient citées par l’avocat de la défense n’étaient pas dans le village à l’époque.
Selon la déposition de ce témoin, M. Ntaganda avait visité trois fois la maison de son père dans la ville minière congolaise de Kilo en décembre 2002. À chacune de ses visites, il demandait à son père, un ancien du village très respecté qui était marchand d’or, de soutenir le programme politique de l’UPC, d’offrir un financement à la milice et de divulguer les zones dans lesquelles les combattants Lendu se cachaient. À cette époque, l’UPC combattait la milice Lendu pour contrôler plusieurs villes dans la région d’Ituri situé dans l’est de la République démocratique du Congo.
Le témoin, qui a déclaré avoir assisté à toutes les réunions, a affirmé que son père avait rejeté toutes les demandes de soutenir l’UPC. Il a indiqué que, par la suite, les soldats dirigés par M. Ntaganda avaient arrêté son père puis l’avaient tué.
Le témoin V3 a également mentionné dans sa déposition que l’UPC avait une liste des hauts dirigeants des villes situées aux alentours de Kilo. Interrogé par l’avocat de la défense pour savoir si son père, M. Kisembo et M. Ntaganda avaient discuté de la liste présumée lors des réunions qui s’étaient tenues dans la maison de son père, il a répondu par la négative. Il a ajouté qu’il connaissait l’existence de cette liste car les soldats de l’UPC avaient l’habitude d’en parler.
Me Bourgon a remis en cause les allégations du témoin selon lesquelles cette liste avait existé et il a déclaré que le témoin l’avait inventée.
« À l’âge que j’avais, je n’était pas en mesure d’inventer une chose pareille », a répondu le témoin V3, faisant référence à la liste. « Ce type d’informations c’est de la politique. J’étais en cinquième année de l’école secondaire ».
L’avocat de la défense a ensuite interrogé le témoin sur les contradictions existant entre les informations sur la demande de participation au procès en tant que victime qu’il avait complété et son témoignage devant la Cour. Cet interrogatoire a été réalisé à huis clos afin de protéger l’identité du témoin.
Le témoin V3 est le troisième et dernier témoin appelé à témoigner par les avocats des victimes. Le mois dernier, cinq témoins ont présenté leurs vues et préoccupations aux juges siégeant au procès de M. Ntaganda.
Ntaganda a plaidé non coupable des treize chefs de crimes de guerre et des cinq chefs de crimes contre l’humanité retenus à son encontre. Son procès devant la CPI a débuté en septembre 2015. La défense devrait débuter ses moyens de preuve dans les semaines à venir.