Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont rejeté la demande de Bosco Ntaganda de suspendre la procédure dans son procès qui a allégué qu’un procès équitable ne pourrait plus lui être assuré puisque les procureurs avaient eu accès par erreur à des informations cruciales de la défense. Dans une décision du 28 avril, les juges ont considéré qu’il était possible de continuer de mener un procès équitable pour l’ancien chef rebelle congolais.
En mars dernier, Stéphane Bourgon, qui dirige l’équipe de défense de M. Ntaganda, avait soutenu qu’une suspension de la procédure était le seul recours adéquat après que le Bureau du Procureur (BdP) ait obtenu des centaines d’enregistrements des conversations de l’accusé, notamment celles concernant la stratégie de la défense et sa connaissance personnelle du dossier. Les enregistrements avaient été obtenus alors que le BdP menait une enquête sur M. Ntaganda pour subornation de témoin au titre de l’article 70 de la loi fondatrice de la Cour, à savoir le Statut de Rome.
Cependant, les juges avaient conclu que le seuil requis pour justifier une suspension du procès n ‘avait pas été atteint. Selon les juges, une suspension permanente de la procédure constituait un recours exceptionnel qui ne pouvait être qu’une solution de dernier recours lorsque les conditions préalables essentielles d’un procès équitable n’étaient pas remplies et lorsqu’il n’y avait pas d’indication suffisante sur le fait que les questions importantes seraient réglées lors du procès.
Les avocats de la défense avaient soutenu que les 4 684 conversations obtenues par l’accusation révélaient des « informations détaillées et confidentielles de la défense, qui levaient le voile sur l’identité de témoins potentiels, la stratégie de défense de l’accusé ainsi que sur d’autres arguments cruciaux de la défense ».
Dans sa réponse à la demande de M. Ntaganda, le procureur Fatou Bensouda a estimé que la défense avait omis d’énoncer les faits qui équivaudraient à un abus de droit ou qui justifieraient « le recours exceptionnel » à une suspension du procès. Elle a estimé que, bien que la défense ait allégué que l’équipe principale chargée des poursuites n’aurait pas dû avoir accès aux conversations de M. Ntaganda, elle avait omis de mentionner la jurisprudence interdisant une équipe de l’accusation d’enquêter sur une inconduite présumée de l’accusé pendant le procès.
Me Bensouda a cité une décision de la Chambre d’appel selon laquelle le même procureur peut traiter des accusations relevant de l’article 70 et des accusations relevant des articles 6 à 8 sans donner lieu à un conflit d’intérêts. L’article 70 porte sur les infractions contre l’administration de la justice alors que les articles 6 à 8 portent sur les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre qui sont considérés comme étant les crimes principaux pour lesquels la CPI a été mise en place pour qu’elle enquête et engage des poursuites. M. Ntaganda est jugé devant la CPI pour 18 crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Dans leur décision, les juges ont ordonné que l’accusation ne soit pas autorisée à utiliser les documents obtenus dans le cadre des procédures relevant de l’article 70 lors de présentation des éléments de preuve de la défense, à moins d’y être spécifiquement autorisée par la Chambre après réception d’une demande. Les juges ont, de plus, recommandé que tout nouvel examen des conversations de M. Ntaganda devra être mené par des membres du BdP qui ne font pas partie de l’équipe de première instance de l’affaire Ntaganda.
En outre, les juges ont affirmé qu’ils pourraient envisager de prendre des mesures supplémentaires « après réception d’une demande justifiée citant des cas concrets de préjudices découlant du fait que l’accusation ait bénéficié indûment d’un accès aux conversations ». Ces mesures pourraient comprendre l’autorisation pour la défense de rappeler des témoins de l’accusation et d’écarter certains éléments de preuve.
Dans leur demande, les avocats de M. Ntaganda ont déclaré que l’accusation tentait d’introduire des éléments de preuve résultant des conversations obtenus au titre de l’article 70 dans le procès en cours. L’accusation a toutefois réfuté cette allégation, affirmant que l’élément de preuve cité par la défense avait été entre les mains de l’accusation bien avant que les procureurs n’étudient les conversations.