Le viol présumé d’enfants soldats dans la milice congolaise a été au cœur du témoignage apporté jeudi par un témoin appelé par les avocats de l’ancien chef rebelle Bosco Ntaganda. M. Ntaganda, qui est jugé devant la Cour pénale internationale (CPI) depuis septembre 2015, est accusé de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment de viol et d’abus sexuel d’enfants soldats.
Le témoin D251, qui a servi dans le groupe rebelle appelé l’Union des patriotes congolais (UPC), a remis en cause le récit d’un témoin de l’accusation dénommé témoin P10, un ancien enfant soldat présumé de l’UPC, qui a déclaré qu’il y avait des abus sexuels au sein de l’UPC. Elle a témoigné en majeure partie à huis clos.
Selon la défense, le témoignage du témoin D251 – combattante dans l’UPC en 2002 – contredit le témoignage de l’accusation sur le traitement par M. Ntaganda des soldats et des personnes de son escorte de sexe féminin et sur les viols et abus sexuels présumés des gardes du corps de M. Ntaganda. Son témoignage concernait également des témoins spécifiques de l’accusation qui avaient apporté une déposition au sujet de viols et d’abus sexuels d’enfants soldats, comme le témoin P10.
Lorsque le témoin P10 a témoigné au procès Ntaganda en novembre 2015, elle a déclaré que ses anciens commandants de l’UPC l’avaient violée. Lors de sa première comparution, elle n’avait pu témoigner malgré le fait qu’elle ait été protégée de la vue de M. Ntaganda. M. Ntaganda avait accepté de quitter la salle d’audience et de suivre le procès à distance.
Le témoin P-010, qui avait déclaré avoir été enrôlé dans l’UPC à l’âge de 13 ans, a témoigné une première fois devant la Cour en 2009 lors du procès de Thomas Lubanga, l’ancien commandant en chef du groupe qui purge actuellement une peine de prison de 14 ans pour le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats dans un conflit armé.
Lors de son témoignage apporté au procès Lubanga, le témoin P10 avait indiqué que les commandants de l’UPC avaient régulièrement des relations sexuelles forcées avec des recrues de sexe féminin. Elle avait également précisé que les recrues, dont certaines avaient moins de 13 ans, étaient soumises à un entraînement brutal et à de l’endoctrinement.
Les avocats de M. Lubanga avaient laissé entendre que le témoin P10 était adulte lorsqu’elle avait rejoint l’UPC en 2002 et qu’elle avait été membre d’une milice rivale depuis 1999. Dans le jugement du procès Lubanga, les juges avaient indiqué qu’ils ne pouvaient pas s’appuyer sur de « nombreux aspects » de son témoignage étant donné les contradictions présentes entre son témoignage et les preuves documentaires suggérant qu’elle avait moins de 15 ans lorsqu’elle servait dans l’UPC.
Dans le procès actuel, l’avocat de la défense Stéphane Bourgon a affirmé que la déposition du témoin P10 sur le rôle de M. Ntaganda dans la commission des atrocités lors du conflit ethnique armé qui s’est déroulé dans le district de l’Ituri, au Congo, était motivée par un profit personnel. Selon Me Bourgon, le témoin avait fait de nouvelles déclarations afin de récupérer le statut de victime au procès Ntaganda, statut perdu lors du procès Lubanga. La défense a indiqué qu’elle mettrait en cause le témoin.
Le témoin D251 a été ajouté tardivement à la liste des témoins de la défense en raison de difficultés pour le contacter. Les procureurs se sont opposés à son admission après que l’accusé ait conclu son témoignage.
Les juges ont décidé que le témoin D251 devrait apporter des éléments de preuve à décharge sur diverses questions d’importance de cette affaire, notamment le traitement par M. Ntaganda des personnes de son escorte de sexe féminin et son attitude vis-à-vis des relations entre les soldats et les gardes du corps de sexe féminin. Ils ont également accédé à la demande de la défense pour que le témoin comparaisse via un lien vidéo.
Les juges ont toutefois refusé d’admettre la déclaration du témoin D251 enregistrée en octobre dernier. L’accusation s’est opposée à la demande de la défense de soumettre la déclaration enregistrée, soutenant que le témoin aurait dû témoigner oralement car son témoignage était « sensiblement en conflit et central pour l’affaire de l’accusé », contredisait le témoignage « fortement à charge » d’autres témoins, y compris le témoin P10, et concernait de 15 à 18 des charges retenues à l’encontre de M. Ntaganda.