Cet article a été préparé par notre partenaire Radio Canal Révélation, une station radio basée à Bunia, en République démocratique du Congo (RDC), dans le cadre d’un projet de radio interactive pour la justice et la paix qui favorise la mise en débat des questions touchant à la justice en RDC. Les vues de la population relayées dans cet article sont celles des personnes interviewées et ne représentent pas forcément les vues de tous les membres de la communauté ni celles des victimes.
Des centaines de victimes au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) se disent délaissées et découragées faute d’’assistance dans la localité de Nyankunde, complètement détruite lors de l’attaque deseptembre 2002 qui a causé la mort de milliers de personnes et le déplacement de plusieurs milliers d’autres.
L’Union des Patriotes Congolais (UPC) de Thomas Lubanga et le Front de Résistance Patriotique de l’Ituri (FRPI) de Germain Katanga se sont affrontés à Nyankunde [45 km au sud de Bunia] le 5 septembre 2002. Les attaques du FRPI ont visé entre autres le centre médical de Nyankunde, un hôpital de référence desservant tout l’est de la RDC.
Selon les informations recueillies par les églises et les organisations non-gouvernementales, des milliers de personnes ont trouvé la mort à Nyankunde. Plusieurs milliers d’autres se sont déplacées dans l’Ituri, d’autres dans la province sœur du Nord-Kivu et en Ouganda. L’hôpital et plusieurs écoles et habitations furent détruits. D’autres crimes graves, y compris des viols, ont également été commis.
A Nyankunde, une centaine de personnes ayant subi des dommages lors de l’attaque affirment n’avoir jamais été assisté. Elles ignorent l’existence du Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale (CPI).
« Moi j’ai perdu mon père. Il y a beaucoup d’orphelins, de jeunes filles et femmes violées, des personnes mortes, tuées à l’hôpital, etc. Mais nous ne savons comment atteindre la CPI. Les victimes se taisent, nous ne savons à quel saint nous vouer » a dit l’une des victimes à nos reporteurs et animateurs lors de leur passage à Nyankunde au mois de décembre dernier.
« Parmi nous, les femmes, beaucoup ont des cas de fistules et d’autres sont restées traumatisées. Les gens ne connaissent pas le Fonds [au profit des victimes]. Moi je n’ai jamais entendu parler de ça, la CPI oui » a dit une femme de la communauté victime.
« La bible déclare qu’il faut punir en cas de manquement. Qu’il soit poursuivi [Germain Katanga] aussi pour les crimes commis ici, et qu’il répare ça » a déclaré le Président de Jeunes, une association de Nyankunde.
« Réparer à Nyankunde va ramener toutes les ethnies qui ont fui à revenir cohabiter dans ce centre qui est la référence de l’Afrique centrale pour la formation médicale et les soins de santé » a dit Jean-Luc Simbiliabo, le Directeur de la Radio-Télévision pour l’Evangélisation et la Réconciliation, une initiative pour le rapprochement des différentes tribus — à majorité Hema et Ngiti — vivant à Nyankunde.
Les victimes de Nyankunde n’ont pas été éligibles pour participer ou obtenir des réparations dans les affaires Katanga et Lubanga. Ces personnes qui ont bien été victimes de crimes graves ne peuvent pourtant pas intervenir ni bénéficier des réparations dans des affaires de la CPI car les crimes qu’elles ont subis n’ont été retenus parmi les charges contre Germain Katanga ou Thomas Lubanga.
« Nous avons été plusieurs fois à Nyankunde. Bien sûr que les crimes qui y ont été commis sont de la compétence de la Cour, mais celle-ci a estimé que c’est à Bogoro qu’il a eu des atrocités graves en date du 24 février 2003 [affaire contre Germain Katanga]. Ils ont perdu beaucoup de biens. Et en ce qui concerne le procès contre Thomas Lubanga, c’était plutôt l’enrôlement et la participation [aux hostilités] des enfants de moins de 15 ans… » a dit Mike Makangu, le chargé de réparation et participation des victimes à la CPI.
En effet, bien que des crimes graves aient été commis dans plusieurs localités de la RDC, la procureur de la CPI fait un choix car la Cour n’a pas la capacité de poursuivre tous les crimes commis sur le territoire congolais.
« Moi je pense que si la Cour [n’a pas octroyé des réparations], au niveau national on peut bien le faire » a conclu M. Makangu. Quant à la CPI, bien que les victimes de Nyankunde ne puissent pas obtenir des réparations liées aux affaires devant la Cour, le Fonds au profit des victimes pourrait leur accorder une assistance. A ce jour, le Fonds n’est pas intervenu à Nyankunde.
Mais beaucoup se sont découragés, selon ces victimes, car plusieurs organismes ont proposé de réparer mais n’ont pas donné suite.
Les dirigeants congolais , quant à eux affirment que l’Etat n’a pas assez de moyens pour intervenir à Nyankunde.