La tentative de la Cour pénale internationale (CPI) de tenir une partie des audiences du procès dans un pays dont la situation est examinée par la Cour a encore échoué après que les juges statuant sur l’affaire de l’ancien commandant de milice Bosco Ntaganda aient abandonné leur intention de tenir les déclarations finales de son procès au Congo.
Dans une décision du 16 mars 2018, les juges ont déclaré que, étant donné la « situation présente en matière de sécurité dans l’est de la République démocratique du Congo » et « le temps de préparation requis pour qu’une telle audience soit ordonnée », ils n’avaient pas l’intention de recommander à la présidence de la Cour de tenir les déclarations finales in situ. Ils ont ajouté que, toutefois, ils pourraient envisager de tenir de futures audiences in situ, si elles étaient jugées appropriées et faisables.
La ville de Bunia, qui a été la plus touchée par les crimes pour lesquels M. Ntaganda est jugé, a été envisagée comme étant le lieu le plus probable pour accueillir l’audience. Mais ces deux derniers mois, les villages environnants de Bunia ont été déstabilisés par un conflit ethnique, qui aurait fait jusqu’à 150 victimes et déplacé plus de 60 000 personnes.
Le mois dernier, les avocats de la défense ont soutenu la possibilité de tenir l’audience à Bunia. Ils ont cependant averti que si les audiences étaient tenues loin de Bunia, par exemple dans la capitale du Congo, Kinshasa ou à Arusha, en Tanzanie, « cela ne serait d’aucune utilité et irait à l’encontre du but recherché ».
« S’il n’est pas possible d’accueillir les déclarations finales à Bunia, ces audiences doivent être tenues dans un des lieux où les événements à l’origine des accusations portées à l’encontre de M. Ntaganda sont supposés avoir été commis » a déclaré l’avocat de la défense Stéphane Bourgon.
Ntaganda, l’ancien chef adjoint de l’état-major général de l’Union des patriotes congolais (UPC), est jugé devant la CPI pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans le district de l’Ituri, au Congo, en 2002 et 2003. Le conflit actuel autour de Bunia reflète celui pour lequel M. Ntaganda est jugé puisqu’il y a de nouveau une opposition entre des membres du groupe ethnique Hema et ceux du groupe ethnique Lendu.
Il s’agit de la deuxième tentative des juges qui examinent le cas de M. Ntaganda de tenir une partie du procès en Afrique. Les juges avaient envisagé de tenir les déclarations finales depuis Bunia mais ils ont abandonné l’idée en raison de défis sécuritaires et de l’effet négatif que la présence de M. Ntaganda pourrait avoir sur la sécurité et le bien-être des témoins et victimes.
À l’époque, les juges avaient également déclaré que tenir l’ouverture du procès à Bunia coûterait à la Cour plus de 600 000 € (677 121 $US), qui pourrait de plus augmenter « inopinément » et, étant donné la longueur et la nature des déclaration d’ouverture, les communautés affectées n’auraient qu’un accès limité au procès.
Plus tôt dans l’année, les juges avaient également rejeté une demande de la défense pour une visite judiciaire sur site des lieux où M. Ntaganda et ses troupes auraient commis les crimes. Les avocats de la défense avaient proposé que la visite ait lieu avant le début de la présentation des moyens de la défense afin de permettre aux juges d’acquérir des connaissances sur les lieux mentionnés par les témoins de l’accusation. « De même, la défense n’a pas démontré clairement comment une visite sur site pourrait être utile à la Chambre dans l’évaluation de faits ou questions spécifiques ».
La dernière décision des juges signifie que les déclarations finales seront entendues à La Haye à une date qui n’est pas encore déterminée.