Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont rejeté les demandes de l’accusation de soumettre des contre-preuves après la clôture de la présentation des éléments de preuve de la défense lors du procès de l’ancien chef rebelle congolais Bosco Ntaganda.
L’accusation s’est efforcé de réfuter les preuves de la défense qui remettent en cause la crédibilité de 18 témoins à double statut, ce qui signifie des témoins de l’accusation qui participent également au procès en tant que victimes. De plus, l’accusation a tenté de présenter un témoin en contre-preuve dont le témoignage contesterait celui de M. Ntaganda selon lequel il n’aurait pas eu connaissance de l’existence d’une attaque meurtrière de ses combattants sur un village congolais en février 2003.
Le procès Ntaganda qui se tient devant la CPI pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité s’est ouvert en septembre 2015 et a entendu le témoignage de 71 témoins de l’accusation. La présentation des moyens de la défense s’est ouverte en mai 2017 et 19 témoins, dont l’accusé, ont témoigné près de 120 heures pendant six semaines.
La tentative du procureur de présenter une contre-preuve sur les témoins à double statut fait suite à l’admission en tant que preuve d’un document, présenté par la défense, qui semble avoir jeté le doute sur leur crédibilité. Le document renferme les réponses de la Section de la participation des victimes et des réparations (SPVR) aux questions posées par les avocats de M. Ntaganda. Dénommé Mémo 2017, il explique que les méthodes de travail de la SPVR, notamment la manière dont elle gère les personnes qui déposent une demande de participation en tant que victimes aux procès qui se tiennent devant la Cour.
La SPVR, une section du Greffe de la Cour, assiste les victimes afin qu’elles obtiennent des conseils juridiques, qu’elles déposent une demande à participer aux procédures de la Cour et organise leur représentation légale.
Selon la défense, le Mémo 2017 est pertinent quant à la crédibilité de plusieurs témoins à double statut car il indique que les formulaires de participation des victimes étaient relus aux victimes avant qu’elles n’apposent leur signature, contrairement aux déclarations de nombreux témoins de l’accusation. Cependant, l’accusation affirme que le document renferme des « assertions trompeuses » sur le processus de remplissage des formulaires de demande des victimes par les témoins à double statut.
L’accusation a demandé aux juges d’admettre un mémo 2018 écrit par le directeur de la SPVR qui, selon eux, confirmait que le personnel de la SPVR n’avait assisté qu’un seul des témoins à double statut. Les procureurs ont déclaré que le mémo 2018 montrait que la SPVR n’était pas en mesure de confirmer si le contenu des formulaires de demande des victimes était relu aux autres 18 témoins à double statut avant signature puisque le personnel de la SPVR n’était pas présent lors de ces entretiens.
Les juges ont déterminé que, bien que le mémo 2018 donnait des informations d’une pertinence potentielle pour la crédibilité de certains témoin de l’accusation, les contre-preuves proposées étaient d’un intérêt limité et ne répondaient pas aux normes requises pour être considérées comme des contre-preuves. Ils étaient d’accord avec les avocats de M. Ntaganda sur le fait que la question que les procureurs cherchent à réfuter avait été évoquée pendant la présentation des moyens à charge et n’avait pas été soulevée inopinément lors de la présentation des témoignages de la défense.
Selon les juges, lorsque la défense avait contre-interrogé les témoins de l’accusation, elle avait demandé à plusieurs occasions si les formulaires de participation des victimes avaient été relus à ces dernières avant qu’elles ne les signent. Les juges ont cité le contre-interrogatoire du témoin P883, pendant lequel la défense a fait référence à la question du processus de demande des victimes et affirmé que plusieurs témoins avaient expliqué les incohérences existant entre les informations des formulaires de la SPVR et leurs témoignages pour l’accusation, au fait qu’ils n’avaient pas relu les formulaires.
Les avocats des victimes ont appuyé la suggestion des contre-preuves de l’accusation, déclarant qu’il était essentiel de clarifier les pratiques actuelles de remplissage des formulaires de demande par toutes les victimes participant à l’affaire Ntaganda.
Les juges ont également rejeté la demande de l’accusation d’appeler un témoin pour réfuter le témoignage de M. Ntaganda au sujet d’un voyage effectué au Rwanda en février 2003. La contre-preuve contestera le témoignage de M. Ntaganda sur le fait qu’il n’avait pas connaissance de l’attaque de la milice de l’Union des patriotes congolais (UPC) sur la localité de Walendu-Djatsi, où plusieurs civils avaient été tués.
Selon le calendrier émis par les juges, l’accusation et les avocats des victimes doivent déposer leurs mémoires en clôture d’ici le 20 avril 2018, tandis que la défense déposera son mémoire en clôture le 18 juin. L’accusation et les avocats des victimes ont jusqu’au 3 juillet pour répondre au mémoire de la défense et les avocats de M. Ntaganda peuvent déposer leur réponse d’ici le 18 juillet. Les juges ont indiqué en décembre dernier que les déclarations finales seraient prévues approximativement deux semaines après que la défense ait déposé cette réponse.
Les juges ont admis d’autres documents produits par la SPVR en mars de cette année en réponse aux questions de la défense qui, selon les avocats de M. Ntaganda, apportent plus de détails sur la procédure standard appliquée et sur la formation des intermédiaires de la SPVR sur le terrain qui sont impliqués dans la collecte des formulaires de demande des victimes.