Lors de leurs dernières observations orales devant les juges de première instance, les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) ont exposé des preuves qui, selon eux, montrent que Bosco Ntaganda a présidé à la commission de plusieurs crimes en République démocratique du Congo. Ils ont déclaré que les preuves présentées contre l’ancien général congolais devenu chef de milice avaient également montré que ce dernier avait personnellement commis plusieurs crimes, notamment des viols et des meurtres.
Alors que les troupes de M. Ntaganda avançaient, « des hommes et des enfants ont été abattus par balles ou massacrés à la machette », a déclaré l’avocate de l’Accusation Nicole Samson. Elle a ajouté que, sur une vaste zone géographique, l’Union des patriotes congolais (UPC) avait commis des viols, des sévices sexuels et des pillages de grande ampleur.
Citant le témoignage d’un témoin à charge qui a dénombré 50 corps abandonnés dans un champ de bananes par des combattants de l’UPC à Mongbwalu et à Sayo ainsi que d’autres témoignages de fosses communes, Mme Samson a déclaré que ces attaques et massacres « avaient déplacé ou transféré de force des personnes innocentes ».
« Ces crimes n’étaient pas des incidents isolés … mais perpétrés à grande échelle et de manière systématique, ils étaient le résultat d’une formation méticuleuse de la part de M. Ntaganda », a précisé la procureure. Dans le village de Kilo, le viol était si répandu que des antibiotiques ont été distribués pour soigner les nombreux soldats souffrant d’infections sexuellement transmissibles, a-t-elle ajouté.
M. Ntaganda, 45 ans, est jugé devant le tribunal de La Haye depuis septembre 2015. Il est accusé de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qu’il aurait commis avec les combattants de sa milice en 2002 et 2003. Les accusations à son encontre comprennent le viol, l’esclavage sexuel et l’enrôlement, la conscription et l’utilisation dans les hostilités d’enfants soldats. L’Accusation l’a également accusé d’attaque contre des civils, de pillage, de meurtre et de déplacement de civils. Il a nié toutes les accusations.
Selon les procureurs, les éléments de preuve présentés montrent que les femmes avaient subis des viols collectifs et que certaines ont également été violemment battues ou tuées. Un témoin a raconté comment elle a été abattue à bout portant lorsqu’elle tentait de résister au viol par un soldat de l’UPC. D’autres éléments de preuve ont montré que les forces de M. Ntaganda asservissaient sexuellement la population.
Décrivant les corps retrouvés sur un site du massacre de l’UPC, l’Accusation a déclaré que des preuves démontraient que certaines victimes avaient les organes sexuels perforés par des bâtons ou coupés. Certaines avaient les bras coupés ou la tête écrasée.
Les attaques auraient été dirigées contre des membres de l’ethnie Lendu que les combattants de l’UPC à prédominance hema appelaient « non humains » et « animaux sauvages inutiles ». Mme Samson a indiqué que les anciens combattants de l’UPC avaient décrit comment leurs commandants leur avaient ordonné de déplacer les Lendus, de tirer sur des civils en fuite et de brûler des villages entiers. Les militants lendus capturés ont été « sommairement abattus », à l’exception de ceux qui possédaient des informations précieuses, et que l’on a interrogés avant de les tuer.
L’Accusation a déclaré que les anciens membres de l’UPC avaient décrit « l’assassinat nocturne de prisonniers » par l’UPC. Elle a déclaré qu’un témoin avait raconté comment M. Ntaganda lui avait ordonné de prendre deux prisonniers et de les ligoter, après quoi ils avaient été battus puis tués par baïonnette, en présence de M. Ntaganda.
Un autre témoin aurait vu M. Ntaganda attaquer et tuer quatre individus non hemas, dont deux enfants. Le témoin l’a également vu tuer un colonel à la retraite après l’avoir interrogé, l’accusant de soutenir les combattants lendus.
« L’accusé a interrogé et frappé un prêtre avant de l’exécuter de sang-froid à bout portant », a déclaré Mme Samson. Elle a évoqué le témoignage des témoins P17 et P963, qui auraient entendu M. Ntaganda donner à ses troupes des ordres pour tirer ou exécuter des personnes détenues.
M. Ntaganda a également été entendu ordonnant à ses troupes de tuer des femmes. « Un commandant de haut rang a entendu M. Ntaganda ordonner à ses gardes du corps de tuer trois religieuses qui avaient été violées par les gardes … il l’a également entendu ordonner l’exécution de deux civils », a déclaré l’avocate de l’Accusation Julieta Solano.
Enfin, l’Accusation a soutenu que les soldats de l’UPC devaient obéir aux ordres de leurs supérieurs ou faire face à de sévères sanctions. L’Accusation a déclaré que, comme l’ont testifié plus de 20 témoins ayant assisté aux crimes dont M. Ntaganda est accusé, les commandants de l’UPC « pouvaient, en obéissant aux ordres, amener leurs subordonnés à commettre des crimes ».
Demain, la Défense présentera sa déclaration finale.