Les avocats de Bosco Ntaganda, qui a été déclaré coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale (CPI) au début du mois, a obtenu 30 jours supplémentaires pour préparer un recours contre la condamnation de l’ancien chef rebelle congolais.
La défense disposait initialement de 30 jours à compter de la date du prononcé du jugement pour former un recours. Elle a cependant demandé un nouveau délai, citant les nombreux crimes pour lesquels M. Ntaganda a été condamné ainsi que la complexité du futur appel.
Dans leur décision, les juges de la Chambre d’appel ont souligné que M. Ntaganda avait justifié de motifs valables la modeste extension de la date de dépôt de l’appel. Ils ont accordé à la défense 30 jours supplémentaires, un délai qu’ils estiment suffisant.
Les juges ont déclaré que, étant donné que la règle 57 de la Cour stipule qu’un recours doit spécifier les erreurs présumées et la manière dont elles affectent la décision d’appel, M. Ntaganda et l’accusation ont besoin de mener une « analyse approfondie » de la décision de condamnation qui, selon eux, « est à la fois complexe et longue » dans la présente affaire.
Les juges de la Chambre d’appel ont également partagé l’avis énoncé dans les observations de la défense selon lesquelles M. Ntaganda avait besoin de recevoir la traduction de certaines parties de la décision de condamnation en kinyarwanda, une langue qu’il comprend parfaitement. Les juges ont souligné, de plus, que la procédure en cours concernant la peine de M. Ntaganda pouvait diminuer le délai pendant lequel la défense ou l’accusation serait en mesure de former un recours.
En vertu de la règle 150 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour [pdf], il peut être fait appel des décisions portant condamnation ou acquittement, des peines ou des ordonnances de réparation dans un délai de 30 jours à compter de la date de la décision. Cependant, la Chambre d’appel peut allonger le délai sur demande de la partie formant le recours.
Le 8 juillet, la Chambre de première instance VI a condamné M. Ntaganda pour l’ensemble des18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour lesquels il était poursuivi. Il s’agit du nombre le plus élevé de chefs d’accusation pour lequel une personne a été condamnée par la CPI. Les juges de première instance ont décidé que M. Ntaganda était un auteur direct de trois crimes, à savoir de meurtre en tant que crime contre l’humanité et en tant que crime de guerre, de persécution en tant que crime contre l’humanité ainsi qu’un auteur indirect de 15 crimes, notamment de viol et d’esclavage sexuel.
Le 11 juillet, les avocats de M. Ntaganda ont déposé leur pourvoi en appel de la condamnation. Il indique que la défense conteste les conclusions des juges de première instance concernant les actes et la conduite de M. Ntaganda ainsi que celles concernant la politique de l’Union des patriotes congolais (UPC), le groupe dans lequel M. Ntaganda était le chef adjoint de l’état-major lorsqu’il a commis les crimes pour lesquels il est condamné.
En demandant une extension de la date limite pour le dépôt du recours, les avocats de M. Ntaganda ont cité « la complexité factuelle et juridique sans précédent de l’appel anticipé, la nouveauté des problématiques à aborder et les motifs d’équité du procès que la défense à l’intention de présenter ».
Ils ont déclaré, « Le jugement dans cette affaire est basé sur des chefs d’accusation et des éléments de preuve d’une ampleur sans précédent devant la CPI. La Chambre de première instance a prononcé une condamnation pour chaque accusation portée à l’encontre de M. Ntaganda. Le fondement factuel de ces condamnations est très large ». Ils ont fait remarquer que la partie du jugement expliquant les conclusions factuelles font 320 pages avec plus de 2 000 notes de bas de page.
De plus, la défense a déclaré que le jugement impliquait des questions complexes de fait et de droit, notamment le fait de savoir si toutes les condamnations étaient conformes à l’article 74(2) du Statut de Rome et si elles ont été notifiées dans un délai raisonnable. L’article 74(2) prévoit que la décision de la Chambre de première instance n’est fondée exclusivement que sur les preuves produites et examinées au procès.
Selon la défense, un autre élément de l’appel serait « les graves atteintes portées à l’équité du procès résultant de l’accès par l’accusation, au moment des audiences du procès, aux conversations téléphoniques de M. Ntaganda ». En 2015, la Cour a accordé à l’accusation un accès à des conversations téléphoniques non confidentielles après que des allégations de subordinations de témoins de la part de M. Ntaganda soient survenues. Pendant le procès, la défense a soutenu que l’ordonnance de la Cour était un abus de procédure et une tentative sans succès de stopper la procédure.
L’accusation ne s’est pas opposée à la demande de la défense d’une extension de la date limite à 60 jours mais, en retour, a demandé à la Chambre d’appel de repousser la date limite pour déposer le mémoire d’appel de l’accusation de 90 jours après notification de la décision de condamnation à 180 jours. Les juges ont rejeté cette demande.
Le juge Piotr Hofmański, qui préside la Section des appels, a désigné le juge Howard Morrison en tant que juge président pour tous les appels de la condamnation de M. Ntaganda.