Le 20 septembre, Bosco Ntaganda, l’ancien commandant rebelle congolais qui a été condamné pour crimes de guerre en juillet dernier devant la Cour pénale internationale (CPI), s’est adressé aux juges lors de son audience de détermination de peine. C’est la quatrième fois que l’ancien chef adjoint de l’état-major général de l’Union des patriotes congolais (UPC) s’adresse à la Cour depuis le début de son procès en septembre 2015. Vous trouverez ci-dessous la transcription de sa déclaration.
Vos honneurs, à la suite de la décision que vous avez prononcée le 8 juillet de cette année, il ne m’est pas facile de m’adresser à vous. Car, tout en respectant le verdict et à la lumière de celui-ci, il m’a paru évident que je devais me présenter à la barre aujourd’hui.
Messieurs les juges, depuis le début de mon procès, je me suis exprimé à la barre par trois fois. La première était au début de mon procès. À l’époque, vous ne me connaissiez pas très bien. Je vous ai dit que j’étais un révolutionnaire mais pas un criminel. Je vous ai expliqué, qu’à l’époque, j’étais conscient de mon image négative sur Internet et j’avais ajouté qu’il s’agissait de mensonges infondés. À l’époque, je vous ai demandé d’évaluer soigneusement les témoignages portés à mon encontre et de ne prêter aucune attention aux mensonges qui ont été proférés par un certain nombre de témoins qui avaient leurs propres raisons pour témoigner. Je vous ai fait part des motifs pour lesquels je m’étais engagé dans l’UPC lors des évènements de 2002 et 2003 en Ituri.
J’ai eu l’opportunité de vous parler à la toute fin de mon procès et, à l’époque, j’avais indiqué que j’étais un congolais et que mon objectif avait toujours été de mettre en place des conditions qui permettraient à tous les habitants du Congo, sans distinction aucune, de vivre en paix et en harmonie. J’ai également déclaré à la barre que vous étiez mon dernier recours et j’étais convaincu que vous seriez en mesure d’évaluer la valeur des témoignages entendus lors de mon procès et que seriez capables de faire la distinction entre la vérité et le mensonge.
Entre ces deux occasions, je me suis adressée à vous lors de mon propre témoignage qui a duré plusieurs semaines. Pendant plus de 120 heures, j’ai témoigné devant la Cour, j’ai répondu à toutes les questions qui m’ont été posées par mon avocat, l’accusation et vous-mêmes. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire, j’ai dit très clairement que tout ce que j’ai fait en 2002 et 2003, et je pourrais même rajouter qu’il s’est agi d’une expérience très enrichissante pour moi et que j’ai vraiment appréciée. J’aurais aimé que vous me posiez d’autres questions afin que vous compreniez mieux les évènements qui se sont déroulés.
Vos honneurs, aujourd’hui, bien que vous m’ayez déclaré coupable, je n’hésite pas à vous dire que je maintiens ce que j’ai dit lors de mon témoignage qui a duré plus de 120 heures et que je souhaite affirmer clairement que ce j’ai déclaré était la vérité. Cependant, il est dommage que vous n’ayez pas conclu que mon témoignage était crédible, ce qui a mené à la décision que vous avez prononcé et c’est la raison pour laquelle, comme vous le savez, j’ai demandé à mes avocats de déposer un appel. J’ai saisi l’opportunité de faire usage de ce droit, espérant que cette décision n’aura pas une influence négative sur la peine.
Messieurs les juges, je m’adresse aujourd’hui à vous mais aussi, en même temps, à ma femme, ma mère, aux membres de ma famille et à toutes les personnes résidant dans la région de l’Ituri. Je m’adresse également à tous les soldats avec lesquels j’ai servi en Ituri pour reconstruire le Congo, un pays habité par des congolais ayant diverses origines ethniques, dans lequel ils peuvent vivre ensemble en paix.
Je souhaite également exprimer ma profonde compassion pour tous les groupes ethniques qui ont souffert lors des conflits qui ont dévasté la Congo à cette période, à savoir en 2002 et 2003, des conflits qui perdurent. J’espère que le gouvernement récemment élu sera en mesure de remettre le Congo sur le chemin du bien-être, de la sécurité et de la réconciliation de tous les congolais. J’ai confiance dans ce nouveau gouvernement et je n’hésiterai pas à coopérer avec eux. J’espère que nous atteindrons ces objectifs.
Messieurs les juges, je vous remercie de m’avoir laissé l’opportunité de m’adresser à vous pour la quatrième fois.