L’accusation a demandé, devant la Cour pénale internationale (CPI), une peine de prison de 30 ans pour Bosco Ntaganda, un ancien chef rebelle qui a été reconnu coupable de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
« La peine de 30 ans est proportionnelle à l’extrême gravité de ces 18 crimes », a déclaré le substitut du procureur, Nicole Samson, à l’audience de détermination de peine qui s’est tenue vendredi. Elle a souligné que les crimes de M. Ntaganda avaient touché des centaines de victimes, qui ont subi des « dommages importants et irréversibles » dans leurs vies et sur leurs biens.
Me Samson a déclaré que la peine de 30 ans doit refléter le degré de culpabilité de M. Ntaganda en tant qu’auteur direct de meurtre et de persécution et, en tant qu’auteur indirect de plusieurs crimes. Selon l’accusation, un grand nombre des crimes de M. Ntaganda de par leur nature méritent une peine de 30 ans.
L’article 77(a) du statut de la Cour prévoit qu’une personne condamnée ne peut être emprisonnée que pour une période maximale de 30 ans. L’article 77(b) énonce qu’une peine d’emprisonnement à perpétuité peut être prononcée, si l’extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient.
L’avocat de la défense Stéphane Bourgon a indiqué que, malgré la gravité des crimes, de fortes circonstances atténuantes signifiaient qu’une peine en dessous de 30 ans serait plus appropriée. Il a déclaré que bien que M. Ntaganda ait été condamné pour de nombreux crimes d’une grande gravité, son degré de participation aux crimes était relativement faible.
Selon l’avocat de la défense, lors d’une ou deux attaques pour lesquelles M. Ntaganda a été condamné, il ne savait pas à l’avance que les soldats de la milice qu’il commandait allaient lancer une attaque, par conséquent, il ne pouvait avoir ordonné la commission de crimes. Me Bourgon, a demandé aux juges de prononcer à l’encontre de M. Ntaganda une peine qui ne reflète que les crimes dont il avait connaissance et non ceux dont « il aurait dû avoir connaissance ».
Le 8 juillet 2019, les juges ont déclaré M. Ntaganda coupable des crimes commis dans l’est de la province de l’Ituri, au Congo, en 2002 et 2003, alors qu’il exerçait les fonctions de chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), la branche armée de l’Union des patriotes congolais (UPC). Les crimes comprennent l’esclavage sexuel et le viol, notamment d’enfants soldats qui étaient enrôlés dans les FPLC; ainsi que le meurtre; l’attaque de civils; la conscription et l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans un groupe armé et leur utilisation pour participer activement à des hostilités.
Me Samson a déclaré que M. Ntaganda avait dirigé les attaques de manière intentionnelle sur des civils issus des groupes ethniques Lendu et Ngiti, en utilisant des techniques militaires qu’il avait conçues. « Il a été reconnu coupable de viol et d’esclavage sexuel, notamment de filles de 11 ans », a-t-elle indiqué. « Il a été reconnu coupable de meurtre et de tentative de meurtre, de pillage et de destruction de biens ».
Me Samson a déclaré que les filles enrôlées et conscrites dans l’UPC / les FPLC étaient particulièrement vulnérables puisqu’elles étaient « régulièrement violées et soumises à une violence sexuelle [et] les commandants étaient autorisés à prendre des filles quand ils le souhaitaient ».
Elle a ajouté que les viols commis par les soldats des FPLC sur les civils étaient particulièrement violents et que, comme les juges l’ont déterminé dans leur jugement, l’UPC voulait qu’ils aient des « conséquences allant au-delà de la violence sexuelle », en particulier de « détruire les localités Lendu attaquées ». Elle a expliqué que les viols entrainaient des traumatismes répétés et que certaines filles et femmes porteraient ce traumatisme émotionnel tout le reste de leurs vies.
L’accusation a déclaré que M. Ntaganda avait ordonné aux troupes de piller et de tuer et qu’il n’avait puni ni les viols et les meurtres ni les autres crimes commis par les combattants. Me Samson a expliqué que, « Il [M. Ntaganda] est un commandant expérimenté et ayant suivi une bonne formation auprès d’experts militaires ougandais et rwandais. Il connaissait le droit de la guerre ainsi que les interdictions d’attaquer des civils, il comprenait l’importance de la discipline mais il n’a jamais eu l’intention de punir quiconque pour des attaques menées sur les Lendu ».
L’accusation a indiqué que M. Ntaganda porte la responsabilité de la conduite de ses soldats car il les a entraîné, qu’il était le cerveau de ces opérations d’attaques de plusieurs villages situés en Ituri et son comportement criminel a servi de modèle à ses troupes.
L’avocat des victimes Sarah Pellet a demandé aux juges d’infliger à M. Ntaganda une peine sévère pour qu’elle constitue une dissuasion pour le recrutement et l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans. Selon elle, certains des enfants qui ont participé aux hostilités avaient huit ou neuf ans. Elle a déclaré que la pratique s’est généralisée au Congo et, encore aujourd’hui, les familles vivant en Ituri redoutent que leurs enfants soient recrutés dans des milices en activité actuellement dans la région.
« N. Ntaganda avait des enfants soldats dans ses gardes du corps. Il a lui-même violé des membres de sa propre escorte et n’a pas empêché les commandants et les troupes des FPLC de faire la même chose », a-t-elle ajouté.
Me Pellet a demandé aux juges de prononcer à l’encontre de M. Ntaganda des peines de 18 ans pour conscription d’enfants, de 18 ans pour enrôlement d’enfants, de 20 ans pour implication d’enfants dans un conflit armé, de 20 ans pour viol et de 30 ans pour esclavage sexuel d’enfants soldats.
Un autre avocat des victimes, Dmitri Suprun, a demandé aux juges d’infliger à M. Ntaganda un minimum de 20 ans pour chaque crime individuel. Il a suggéré que, pour meurtre et esclavage sexuel, la peine devrait être de 30 ans.
M. Ntaganda s’est également adressé à la Cour lors d’une déclaration sans prêter serment. Il a soutenu que son témoignage pour sa propre défense était sincère. « Il est fort dommage que vous n’ayez pas trouvé mon témoignage crédible, ce qui a conduit à la décision que vous avez prononcé », a-t-il précisé. Il a ajouté qu’il avait, par conséquent, donné instruction à ses avocats de faire appel du verdict de culpabilité. Les avocats de M. Ntaganda ont déposé un avis d’appel plus tôt dans le mois.
L’audience de détermination de peine de M. Ntaganda devant la CPI a commencé plus tôt cette semaine et, mardi et mercredi, a entendu le témoignage des témoins de la défense appelés pour apporter des circonstances atténuantes pour M. Ntaganda.
Après la fin de l’audience de détermination de peine, les parties et participants au procès pourront déposer leur observations écrites d’ici le 30 septembre. Les juges annonceront en temps utile la date à laquelle ils prononceront la peine.