Cet article a été préparé par notre partenaire Radio Canal Révélation, une station radio basée à Bunia, en République démocratique du Congo (RDC), dans le cadre d’un projet de radio interactive pour la justice et la paix qui favorise la mise en débat des questions touchant à la justice en RDC. Les vues de la population relayées dans cet article sont celles des personnes interviewées et ne représentent pas forcément les vues de tous les membres de la communauté ni celles des victimes.
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Les victimes des crimes commis par Bosco Ntaganda accueillent favorablement la décision de la chambre de la Cour pénale internationale (CPI) ordonnant une cartographie préliminaire des nouveaux bénéficiaires potentiels de réparations, mais s’inquiètent du temps s’étant écoulé depuis les crimes et exigent un geste concret de réparation après autant d’années.
‘« J’apprécie la décision mais je regrette que la CPI ne fait que donner des promesses aux victimes, des promesses non réalisables [depuis] plus de 10 ans. Bien sûr [qu’il faut] un processus, mais ce n’est pas normal car d’autres victimes sont mortes », a dit Patrick Chako, le Président de la société civile des Lendu dans le secteur Walendu Jatsi sud, à Bambu Mines, à 45 km au nord de la ville de Bunia.
Les juges de la CPI ont ordonné au greffe de recenser les nouveaux bénéficiaires potentiels de réparations dans l’affaire contre Bosco Ntaganda, l’ancien général congolais condamné en juillet dernier pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Selon les juges, cette évaluation facilitera le déroulement équitable et rapide de la procédure de réparation.
« Ils ont fait trop de promesses, on n’y croit plus. Ils doivent poser un geste concret pour qu’on comprenne. Ici il n’y a plus d’hôpitaux, plus d’écoles, pas d’eau propre à cette période d’épidémie… Nous-mêmes sommes devenus vieux. On est fatigué de cultiver avec des houes… Nous voulons des tracteurs dans nos villages » a dit une femme victime à Chuja, 60 km au nord de Bunia, à notre équipe, avec un ton dur.
« Ils nous font souffrir beaucoup. Tous les jours des rapports, quand ils viennent ici en mission ils écrivent beaucoup… Qu’ils nous disent [clairement si] l’argent destiné aux victimes [est disparu] en Europe. Sinon alors, qu’ils me donnent la date exacte de la réparation. »
« Et s’il y a une nouvelle cartographie qu’on nous amène les papiers très vite pour les remplir. Mon crâne a été [endommagé lors de] l’opération dite ‘’chika na mikono’’ [attrapez et éliminez], et je vis avec huit familles victimes chez moi à Chuja. Les épidémies risquent de nous [faire mourir] avant même de bénéficier de cette réparation », a dit une autre victime anonyme.
Réaction de l’Union des patriotes congolais dont Bosco était le commandant
Pour le comité politique de l’Union des patriotes congolais (UPC), cette nouvelle décision risque de porter atteinte aux droits de la défense.
« On ne comprend plus. Au même moment ceux qui se sont présentées ne sont pas reconnus comme victimes, et on veut recruter d’autres encore dont la version n’a pas été confrontée à celle de M. Ntaganda ? [Cela est une atteinte au] droit de la défense » a dit Pele Kaswara, le Président du comité politique de l’UPC.
Crainte d’une organisation
L’Organisation pour la promotion des droits de l’homme (OPDH) craint que certaines personnes mal intentionnées en profitent pour se constituer en victimes.
« On aura du mal à identifier les vraies victimes car les faits ont été commis il y a plus de 16 ans. [Il sera important de] faire beaucoup d’attention sur les critères de sélection de ces nouvelles victimes » a dit Maitre Nathan Mugisa, le coordonnateur de l’OPDH en Ituri.
Entre février et octobre 2020, la défense, le parquet, les avocats des victimes et les autres parties autorisées doivent présenter des observations sur les réparations. Les juges rendront par la suite l’ordonnance de réparation.