La semaine dernière, la Chambre de première instance VI de la Cour pénale internationale (CPI) a émis une décision relative au processus de réparation. La Chambre a ordonné au Greffe de la Cour d’identifier les victimes qui seraient potentiellement éligibles aux réparations.
Selon la décision du 26 juin, les informations collectées lors du processus d’identification peuvent permettre de déterminer la démarche à suivre pour l’ordonnance de réparation. Ces informations pourront également contribuer à une mise en œuvre dans les meilleurs délais de l’ordonnance de réparation et éventuellement à assister le Fonds au profit des victimes (FPV) dans la préparation du plan de mise en œuvre des réparations.
La première catégorie de victimes identifiées comprend celles qui sont éligibles aux réparations dans le procès de Thomas Lubanga et qui pourraient être également éligibles aux réparations dans le procès Ntaganda. La seconde catégorie est constituée de victimes qui ne sont pas liées au procès Lubanga. M. Ntaganda et M. Lubanga ont été condamnés pour des crimes commis lors d’un même conflit qui s’est déroulé en Ituri, dans l’est du Congo, en 2002 et 2003, alors qu’ils commandaient une milice dénommée Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).
Les juges ont déclaré qu’il n’était pas nécessaire, à cette étape du procès, de contacter les bénéficiaires du procès Lubanga pour leur demander s’ils souhaitaient être éligibles aux réparations dans le procès Ntaganda. Ils devraient être plutôt traités comme des bénéficiaires potentiels, sous réserves de leur consentement à la phase de mise en œuvre, si la Chambre détermine qu’ils peuvent bénéficier de réparations dans le cadre du procès Ntaganda.
Les juges ont estimé pertinent de présumer que les victimes déjà autorisées à participer à la procédure souhaiteront être considérées comme des bénéficiaires potentiels de réparations. Ils ont toutefois ajouté qu’il serait plus approprié de rechercher à obtenir le consentement des victimes à la phase de mise en œuvre, lorsque les victimes seront en mesure de prendre une décision éclairée basée sur les types et les modalités de réparations.
La Chambre de première instance VI a également ordonné au Greffe d’identifier autant de nouveaux bénéficiaires potentiels qu’il est possible avant l’émission de l’ordonnance de réparation, afin d’accélérer l’étape de mise en œuvre. Une évaluation réalisée par le Greffe indique qu’il y a au moins 1 100 nouveaux bénéficiaires potentiels tandis que les avocats des victimes ont estimé à un minimum de 100 000 le nombre des victimes d’attaques dans tous les lieux affectés par les crimes de M. Ntaganda.
Les juges ont demandé au Greffe d’accélérer la finalisation de l’évaluation en cours étant donné son utilité dans l’identification des bénéficiaires. Ils ont indiqué que le Greffe devrait s’attacher à obtenir des informations de première main et à inclure les victimes déplacées et marginalisées ou les victimes vulnérables qui rencontrent des difficultés particulières à se faire connaître.
Les juges ont ensuite ordonné au Greffe de consulter les parties au procès et le FPV au sujet du formulaire de demande à utiliser puisqu’il doit permettre d’enregistrer de nouveaux bénéficiaires lors de l’évaluation. Le formulaire doit être adapté à la question des réparations, et doit tenir compte du fait que la nature des réparations n’a pas été déterminée et que les formes de réparations collectives ne nécessitent aucune forme d’identification des victimes. Cependant, toute victime qui souhaite être considérée comme bénéficiaire potentiel de réparations pourra le faire sans avoir à remplir le formulaire de demande, à condition qu’elle ait fourni les informations adéquates.
La Chambre a indiqué reconnaître que toutes les victimes potentielles ne pouvaient être identifiables à cette étape puisque certaines pouvaient choisir de se manifester uniquement après que les types de réparations aient été établis. Pour cette raison, des bénéficiaires additionnels pourront être identifiés lors de la phase de mise en œuvre.
Entretemps, les juges ont également demandé au Greffe de préparer un petit échantillon représentatif de bénéficiaires potentiels avec des informations mises à jour sur les préjudices subis par les victimes et les besoins actuels des victimes. Ces éléments guideront l’ordonnance de réparation et offriront une opportunité de coopération avec les victimes avant que l’ordonnance de réparation ne soit prononcée.
Le FPV avait précédemment mis en garde contre des entretiens récurrents avec les victimes et avaient suggéré que tout contact avec elles concernant les réparations devrait être très proche de l’octroi des dédommagements.
De même, les représentants légaux des victimes avaient également proposé que les victimes qui souhaitaient bénéficier des réparations de M. Ntaganda ne soient pas contactées avant que l’ordonnance de réparation ne soit délivrée. Ils ont indiqué que si les victimes étaient identifiées maintenant, il y aurait le risque d’une forte déception si certains aspects de la condamnation de M. Ntaganda n’étaient pas confirmés en appel. Ils ont souligné que la Chambre de première instance III avait reconnu la gravité de cette situation lorsqu’elle avait clos la procédure en réparation à la suite de l’acquittement de Jean-Pierre Bemba en appel.
Cependant, les juges ont estimé opportun que le Greffe contacte certaines victimes à ce stade pour les enregistrer en tant que nouveaux bénéficiaires potentiels identifiés dans le cadre de l’évaluation ou pour préparer l’échantillon demandé par la chambre.
Les juges ont néanmoins intimé le Greffe de réduire au minimum le nombre d’entretiens qu’il mènera avec les victimes, de prendre des mesures pour éviter un nouveau traumatisme, de réduire les risques de sécurité qui pourraient survenir pour les victimes du fait de leur interaction avec la Cour et d’informer de manière adéquate les victimes de la durée attendue et des issues possibles de l’appel qui vise à obtenir un acquittement ainsi que de l’impact potentiel de l’appel sur les réparations.
Les juges ont également demandé au Greffe d’envisager des procédés alternatifs pour contacter les victimes les plus vulnérables et les victimes de violence sexuelle et de violence à caractère sexiste, qui pourraient ne pas souhaiter donner des informations concernant leur statut de victime aux intermédiaires et aux autres personnes de contact. Le Greffe devra également s’efforcer d’entrer en contact avec les victimes qui pourraient avoir été obligées de quitter leurs maisons situées en Ituri.
Le Greffe soumettra son rapport d’évaluation aux juges d’ici le 30 septembre et continuera à faire un point sur les bénéficiaires potentiels tous les trois mois.