Cet article a été préparé par notre partenaire Radio Canal Révélation, une station radio basée à Bunia, en République démocratique du Congo (RDC), dans le cadre d’un projet de radio interactive pour la justice et la paix qui favorise la mise en débat des questions touchant à la justice en RDC.
*****************
Les avis des victimes des crimes commis par Bosco Ntaganda restent partagés quant aux retards dans la procédure en réparation en raison de la pandémie de Covid -19. Les uns sont favorables, les autres ne croient plus à la réparation étant donné que la fin de la pandémie reste inconnue.
« Nous saluons cette décision car tout le monde est conscient de l’existence de la Covid-19. Cela fait très longtemps que les crimes ont été perpétrés et nous avons toujours été patients. L’essentiel est d’arriver à concrétiser la réparation des victimes qui ont perdu les leurs », a dit Didi Angaika, notable et l’un des représentants de la communauté des Lendu-sud.
En juillet 2020, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont accordé deux mois supplémentaires aux experts nommés pour dresser un rapport sur la nature et l’étendue des réparations dans l’affaire Bosco Ntaganda. Cette prolongation était nécessaire puisque les restrictions imposées du fait de la Covid-19 signifient que les experts progressent moins rapidement que prévu.
Puisque le rapport des experts est attendu pour la fin du mois d’octobre, les avocats des victimes auront jusqu’à la mi-décembre de cette année, au lieu du mois d’octobre, pour déposer leurs conclusions finales relatives aux réparations dans cette affaire. Ces prolongations ont rallongé, en réalité, le temps d’attente des victimes pour obtenir une ordonnance de réparation.
Bosco Ntaganda a été poursuivi pour des crimes commis en 2002-2003 alors qu’il exerçait les fonctions de chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Il s’est rendu volontairement à la CPI en 2013 et son procès a démarré en 2015. Il a été condamné en juillet 2019 pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Compte tenu du temps écoulé, certaines victimes ont porté des regards très critiques contre la cour.
« Moi, je trouve que c’est pour tromper la vigilance des victimes. Au lieu de dire clairement qu’il n’y aura pas de réparation, ils utilisent comme prétexte la Covid-19 », s’est étonné un jeune victime du quartier Bankoko, au sud de la ville de Bunia.
« Les activités ont repris. Tous les bureaux fonctionnent ici, même à Kinshasa. On va attendre jusqu’à quand pour nous réparer ? Dites-nous ! J’ai été victime à Lipri [20 km au nord de Bunia] et à Mongbwalu [cité minière 80 km au nord de Bunia]. Les soldats de Bosco m’ont violée et mon mari, un commerçant, a été pillé. On va attendre jusqu’à quand ? Qu’ils accélèrent les choses ! », a dit une femme que nous avons rencontrée à Bankoko, s’exprimant en colère.
D’autres victimes se sont montrées plus patientes. Elles continuent à espérer.
« La promesse est une dette. La CPI nous a promis la réparation. Nous allons attendre la décision, mais nous ne voulons plus de nouveau report. Il ne faut pas que la CPI disparaisse avant de payer notre dette », a dit une femme victime à Kindia, au sud de la ville de Bunia.
Un jeune leader de Kindia a ajouté : « On est passé par plusieurs promesses de la part de la CPI et plusieurs reports, même avant la Covid-19. La majorité des victimes est découragée mais nous sommes patients. La patience a pourtant des limites. Aujourd’hui, ceux qui ne sont pas patients ont repris les armes et tuent en Ituri pour avoir quelque chose ».
Didi Angaika, le notable de la communauté de victimes Lendu-sud, les a appelés à ne pas se décourager.
« J‘appelle les victimes démoralisées à la patience. Moi, je ne vois pas de danger avec ce report. La raison est fondée. On doit attendre seulement le jour J. Nous comptons beaucoup sur la bonne foi de la CPI pour que la réparation soit octroyée dans les délais », a dit Angaika.
L’article 35-2 du Règlement de la cour prévoit que la Chambre peut décider de délais plus longs ou plus courts en cas de motif valable. La Chambre de première instance VI, qui est composée des juges Chang-ho Chung (juge président), Robert Fremr et Olga Herrera Carbuccia, a mentionné les difficultés rencontrées par les experts lors des réunions virtuelles à distance avec les victimes pour obtenir leurs vues et préoccupations, étant données les restrictions dues à la Covid-19 et à la situation locale en matière de sécurité.
M. Ntaganda a fait appel de sa condamnation et de sa peine de prison de 30 ans. L’audience pour examiner ses appels a également été repoussée à cause de la pandémie. Elle est désormais fixée du 12 au 14 d’octobre 2020.