Hier, Bosco Ntaganda s’est adressé à la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI), pour faire appel de sa condamnation et de sa peine de 30 ans de prison. En juillet 2019, M. Ntaganda a été déclaré coupable de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis en 2002 et 2003 alors qu’il exerçait les fonctions de commandant en chef de l’Union des patriotes congolais (UPC) / des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Vous trouverez ci-dessous la transcription de sa déclaration. (Nous avons pris note de sa déclaration en anglais. Celle-ci n’est pas une traduction officielle.)
« Monsieur le Président, Messieurs les juges de la Chambre d’appel, je suis très heureux de pouvoir prendre la parole devant vous aujourd’hui. J’attends ce moment depuis longtemps … depuis que les juges ont décidé de me condamner pour l’ensemble des charges retenues à mon encontre. Être debout pour écouter les juges me condamner a été un des moments les plus douloureux de ma vie. C’est à dire que, lorsque j’ai entendu le juge président de la Chambre de première instance s’exprimer, j’ai pensé qu’il prononçait une double condamnation. Cette condamnation concerne l’ensemble des charges portées à mon encontre même si mon équipe de défense a déposé ses observations et arguments tout au long du procès, mais ces arguments n’ont pas été pris en compte.
À ce moment-là, j’ai été tenté de baisser les bras mais j’ai changé d’avis. Mon équipe de défense et moi-même avons décidé de continuer à travailler sans relâche et il en est résulté que tous les documents et dossiers qui ont été déposés dans la présente affaire ont été confirmés lors de la présente audience. Par conséquent, j’aimerai vivement vous remercier pour le temps que vous m’avez accordé et tout particulièrement en cette période de crise qui affecte le monde entier. J’aimerai exprimer ma gratitude au juge président et à toutes les autorités de la CPI d’avoir permis à mon épouse et à mon fils de participer à cette audience. J’aimerai également remercier ma famille et tous mes enfants de leur soutien continu et pour avoir cru en moi, même si je n’étais pas présent à la maison.
À l’ouverture de ce procès, j’ai déclaré haut et fort que j’étais un révolutionnaire, quelqu’un qui recherchait le changement. Messieurs les juges, je ne suis pas un criminel. J’ai toujours considéré, dans mon cœur et dans mon esprit, être un révolutionnaire. Je n’ai jamais été un criminel.
Au cours de ma carrière de soldat, lorsque j’étais encore une nouvelle recrue, lorsque j’étais commandant de peloton pendant le génocide rwandais et même lorsque j’étais formateur dans divers groupes, ainsi que lorsque j’étais chef au sein de l’UPC / les FPLC, jusqu’au moment où je suis devenu général au sein de l’armée de la République démocratique du Congo (RDC), pendant tout ce temps passé en tant que soldat, j’ai pensé que mon travail était de garantir la sécurité de l’ensemble de la population sans aucune discrimination.
Je voudrais ajouter qu’à aucun moment je n’ai arrêté de penser à ce procès. Chaque jour, je me suis demandé comment il était possible que les juges de la Chambre de première instance aient pu parvenir à la décision prise. Mon équipe de défense est une équipe d’excellence et, tout au long du procès, elle m’a fourni toutes les explications nécessaires. Les membres de cette équipe se sont conduits très convenablement devant la Chambre de première instance et c’est pourquoi je me demande comment il est possible que les juges de première instance aient fini par me condamner.
La manière dont les témoins se sont présentés et ont menti devant les juges. Je ne comprends pas comment ils ont utilisé mon journal de communications. Lorsque je suis arrivé ici, mon propre chef m’a indiqué que l’équipe de défense souhaitait utiliser ce journal de bord et j’ai pensé que cela mènerait à ma libération. Il y a des évènements, qui se sont produits en 2002 et 2003, qui sont enregistrés dans ces journaux et qui constituent des événements capitaux pour les procès impliquant l’UPC / les FPLC. Ces évènements et ma conduite lors de ces conflits figurent dans ces documents. C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas pourquoi les juges de première instance n’ont pas pris en considération l’ensemble de ces documents et informations. Mais malgré tout cela, j’ai continué à croire au principe d’équité, principe qui caractérise la Cour pénale internationale (CPI).
Monsieur le Président, messieurs les juges de la Chambre d’appel, je crois fermement que vous prendrez pleinement en considération toutes les observations déposées par mon équipe de défense et que vous évaluerez attentivement les décisions prises par la Chambre de première instance, particulièrement en ce qui concerne les témoins qui n’ont pas dit la vérité et qu’ainsi, en se basant sur ce qui précède, vous allez réviser ma condamnation. Même si cela mène à un nouveau procès, ce qui demandera beaucoup de temps, j’y suis totalement préparé.
Pour conclure, messieurs les juges, je voudrais dire un mot à l’ensemble de la population du Congo et à tous les Lendu [la communauté ethnique Lendu], et leur dire que les extraits vidéo qu’ils ont vus pendant le procès n’étaient pas du cinéma. Cela signifie que je suis calme et serein et que j’attends avec impatience votre décision dans cette affaire. »