Alors que les juges d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) s’interrogent pour savoir s’il faut annuler ou maintenir la condamnation de Bosco Ntaganda, ils examinent de manière distincte l’appel de l’ancien commandant de milice pour obtenir une réduction de sa peine de prison de 30 ans, qu’il qualifie d’excessive.
Cependant, l’accusation et les avocats des victimes soutiennent que M. Ntaganda ne mérite pas une peine plus légère, compte tenu de son niveau de participation aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité pour lesquels il a été condamné. En novembre dernier, M. Ntaganda s’est vu infliger la peine la plus lourde jamais prononcée par la cour à la suite de sa condamnation pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
M. Ntaganda a reçu les peines les plus lourdes pour les crimes de meurtre et de tentative de meurtre (30 ans) et de persécution (30 ans). Les peines imposées pour les autres crimes ont été le viol de civils (28 ans) et conscription, enrôlement et utilisation d’enfants dans un conflit armé (18 ans). Pour le viol de filles soldats de l’Union des patriotes congolais (UPC), il s’est vu infliger 17 ans. Les avocats de la défense ont suggéré que la peine totale de M. Ntaganda ne devrait pas excéder 23 ans.
« Les victimes ont exprimé leur préférence pour une condamnation à perpétuité et certaines d’entre elles ont estimé qu’une peine de 30 ans ne serait pas suffisante », a plaidé Dmytro Suprun, l’avocat de certaines des victimes participant au procès lors de l’audience d’appel.
Dans l’appel, M. Ntaganda soutient que les juges de première instance n’ont pas évalué de manière concrète son niveau de participation à la commission des crimes et ont prononcé à son encontre une peine disproportionnée. L’article 81(2)(a) du statut de la Cour prévoit qu’il est possible d’interjeter appel de la peine prononcée au motif d’une disproportion entre la peine et le crime.
La défense affirme que dans leur décision sur la peine, les juges de première instance ont commis une erreur en omettant de faire une distinction du degré de la participation de M. Ntaganda à des crimes commis au cours de deux différentes opérations pour lesquelles il a été condamné. Dans le jugement, les juges ont estimé que la culpabilité de M. Ntaganda pour les crimes commis pendant les deux opérations était élevée, indépendamment du fait qu’il ait été physiquement proche des lieux où les crimes avaient été perpétrés.
L’avocat de la défense Stéphane Bourgon a déclaré que M. Ntaganda était éloigné du lieu de la seconde opération lorsque les crimes avaient été commis. Selon lui, M. Ntaganda avait une connaissance et une participation limitées à cette opération où les crimes les plus brutaux avaient été commis, tel que le meurtre de 49 personnes dans la ville de Kobu. Il a précisé que les juges avaient donc tort de conclure que puisque M. Ntaganda avait un degré élevé de participation à la première opération, il en était de même pour la seconde opération.
« La chambre de première instance a indiqué que M. Ntaganda était en général en contact avec des commandants sur le terrain et surveillait la seconde opération via un réseau radio. La difficulté est que nous n’avons aucun détail sur le type de supervision ou ce qu’il faisait pour surveiller ». Il a déclaré que les juges de première instance n’ont pu identifier aucun exemple de communication entre M. Ntaganda et les commandants lors de cette opération.
Toutefois, le substitut du procureur Nivedha Thiru a répondu que, en tant que commandant chargé des opérations militaires dans l’UPC, la contribution de M. Ntaganda à la commission des crimes était immense et décisive. Elle a indiqué que M. Ntaganda avait contribué de manière importante aux crimes commis lors de la seconde opération et avait donné des instructions pour cette opération.
« Une peine de 30 ans reflète l’extrême gravité de ces crimes et le degré substantiel de la culpabilité de M. Ntaganda vis à vis de ces crimes », a déclaré Me Thiru. « Il n’a pas démontré que la chambre de première instance avait commis une erreur qui aurait mené à une peine disproportionnée ou que son appréciation des facteurs pertinents était déraisonnable ».
Selon l’accusation, alors que M. Ntaganda disposait de pouvoirs disciplinaires et s’assurait que la chaîne de commandement était respectée, il n’a pas puni les crimes que ses combattants avaient commis contre les civils du groupe ethnique Lendu. En revanche, il a ordonné à ses troupes de commettre des crimes et il a lui-même perpétré des meurtres. Me Thiru a déclaré, « Avec sa présence autoritaire devant ses troupes en tant que commandant en chef, il a montré par ses propres actions et directives comment il voulait qu’elles se comportent lorsqu’il s’agissait de civils Lendu et leur a montré qu’il approuvait leur comportement criminel ».
L’avocat des victimes Sarah Pellet a exposé que M. Ntaganda méritait une peine de prison de 30 ans puisque ses crimes visaient de nombreux enfants vulnérables de moins de 15 ans et que les crimes restaient une source de persécution pour eux 18 ans plus tard. Elle a ajouté que M. Ntaganda n’avait ni montré aucun signe de remord vis à vis des victimes ni tenté de les compenser. Elle a précisé, qu’au contraire, M. Ntaganda avait insisté tout au long de la procédure qu’il n’y avait pas d’enfant de moins de 18 ans dans l’UPC.
La défense reproche aux juges de première instance d’avoir omis d’évaluer réellement le « faible degré de la participation » de M. Ntaganda aux cinq crimes de violence sexuelle pour lesquels il a été condamné. La défense soutient que la décision de condamnation ne renferme aucune conclusion quant au fait de savoir si M. Ntaganda avait une connaissance antérieure, concomitante ou ultérieure des viols et de l’esclavage sexuel de civils ou d’enfants soldats ou s’il avait contribué concrètement aux viols.
Alors que la Chambre a conclu que trois enfants soldats avaient subi des viols et un esclavage sexuel, la défense soutient qu’aucune de ces victimes n’étaient dans l’entourage de M. Ntaganda à l’époque des crimes « ou virtuellement à tout autre moment ». Dans son appel à l’encontre de la peine, les avocats de la défense reprochent à la chambre de première instance de rejeter l’ensemble des circonstances atténuantes applicables à M. Ntaganda qui, selon eux, justifiaient une peine moindre. Ils citent l’échec présumé des juges à reconnaître les « efforts substantiels » de M. Ntaganda pour réconcilier les communautés Hema et Lendu en 2004 et pour démobiliser et intégrer les