Les avocats représentant les victimes dans le procès contre Bosco Ntaganda, qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI), souhaitent que son appel de la décision de condamnation soit rejeté puisqu’ils considèrent qu’il a été condamné à juste titre pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
M. Ntaganda a été condamné l’année dernière en tant que coauteur indirect pour la conscription et l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans et pour leur utilisation afin qu’ils participent activement aux hostilités, ainsi que pour le viol et l’esclavage sexuel perpétrés sur les enfants soldats. Il a été également reconnu coupable en tant qu’auteur direct de meurtre et de persécution.
Sarah Pellet, qui représente 283 anciens enfants soldats participant au procès en tant que victimes, a déclaré que M. Ntaganda savait pertinemment que, en raison de son action, des enfants de moins de 15 ans seraient recrutés par sa milice. Elle a souligné qu’il a toujours été pleinement informé de la présence d’enfants soldats au sein des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) et des crimes commis à leur encontre.
Dans son témoignage apporté lors du procès, M. Ntaganda a nié qu’il y avait des enfants soldats au sien des FPLC. Il a précisé que la milice appliquait une politique qui rejetait toute personne âgée de moins de 15 ans qui tentait de rejoindre le groupe. Malgré tout, la Chambre de première instance a conclu que la milice avait utilisé des enfants soldats de manière généralisée, notamment lors des combats et pour la garde des hauts commandants du groupe, dont le commandant en chef Thomas Lubanga et le chef de l’état-major Floribert Kisembo. En outre, les juges de première instance ont constaté que les crimes contre les enfants « ont été commis dans l’environnement coercitif institutionnalisé de l’UPC / des FPLC dans des circonstances similaires, pendant une période de temps et n’ont pas été des actes isolés ».
Me Pellet a exposé que M. Ntaganda avait créé une unité de gardes du corps pour le protéger, qui comprenait des enfants soldats. « Il a entretenu des contacts étroits et quotidiens avec les membres de son escorte, qui vivaient dans sa résidence, ou tout près, et qui l’accompagnaient constamment, même pendant les combats », a ajouté l’avocat des victimes dans ses observations sur l’appel de la décision de condamnation de M. Ntaganda. Elle a indiqué que les enfants étaient formés dans des camps créés par M. Ntaganda, qui était un de leurs instructeurs et qui présidait les cérémonies clôturant les programmes d’entraînement militaire.
Me Pellet a précisé de plus que, en tant que chef adjoint de l’état-major des FPLC, responsable des opérations, M. Ntaganda était personnellement responsable de la manière dont les recrues, notamment les enfants soldats, étaient déployées après leur entraînement militaire. Elle a déclaré que M. Ntaganda avait choisi de déployer les enfants soldats sur les champs de bataille et que, malgré les demandes répétées d’organisations internationales, ses coauteurs et lui-même avaient refusé de les démobiliser. Elle a expliqué que, par ailleurs, M. Ntaganda avait joué un rôle clé dans les campagnes de recrutement des jeunes à grande échelle, en demandant aux chefs de communauté de l’aider à recruter des enfants, quels que soient leur âge, leur sexe ou leur taille, pour grossir les rangs des FPLC.
Les avocats des victimes ont ensuite soutenu que la violence sexuelle à l’égard des enfants soldats des FPLC était courante, notoire et débattue au sein de la milice, dont les soldats et les commandants, y compris le chef de l’escorte, ont commis des violences sexuelles contre les filles soldats.
Selon les avocats des victimes, les juges ont correctement établi que M. Ntaganda n’avait pas puni ces crimes et qu’il avait forcé des filles de sa garde personnelle à avoir des rapports sexuels avec lui. Cependant, les avocats de la défense ont répondu que la Chambre ne s’était appuyée que sur le témoignage d’un seul témoin de l’accusation pour conclure que M. Ntaganda s’était livré à des violences sexuelles sur les filles soldats. Ils ont soutenu que la Chambre avait fait une erreur en ne tenant pas compte des témoignages de M. Ntaganda et d’anciens membres des FPLC qui affirmaient qu’il n’y avait pas eu de viols d’enfants soldats au sein de la milice.
Le substitut du Procureur Helen Brady a souligné que les juges avaient rejeté le témoignage de M. Ntaganda après avoir conclu qu’il n’était pas crédible. Elle a déclaré : « M. Ntaganda a affirmé catégoriquement que le viol n’était pas admis au sein de son armée et qu’il avait donné des instructions lors de réunions pour interdire de coucher avec des filles soldats. Et la Chambre a conclu qu’il n’était pas crédible à la lumière des témoignages démontrant le contraire ».
Dmytro Suprun, un autre avocat des victimes, a plaidé pour que l’appel de la condamnation soit rejeté puisqu’il ne démontrait aucune erreur de droit, de procédure ou de fait qui aurait affecté de manière importante le jugement de première instance. Il a soutenu que, dans la plupart des procès, la défense déformait les procédures, les faits et les conclusions de la Chambre de première instance en répétant ses arguments précédents qui ont été rejetés par la Chambre de première instance ou simplement en manifestant son désaccord avec l’évaluation de la preuve par les juges.
Me Pellet a rappelé ce point, soulignant que les conclusions de la Chambre relatives aux crimes à l’encontre des enfants soldats étaient basées sur un ensemble considérable de preuves crédibles, notamment sur les témoignages d’anciens enfants soldats qui ont relaté les crimes commis à leur encontre quand ils étaient dans les rangs des FPLC et les conséquences qu’ils ont subis du fait de ces crimes. Elle a déclaré : « L’appel doit être rejeté en totalité puisqu’il met en avant une interprétation erronée de la preuve, des arguments de la Chambre de première instance et du cadre juridique applicable ».