Les audiences du procès de Bosco Ntaganda qui se tient devant la Cour pénale internationale (CPI) ont repris aujourd’hui, après une pause de quatre semaines, avec le témoignage du 61ème témoin à charge. Le procès s’est ouvert en septembre 2015. La procédure est entrée maintenant dans l’étape finale du réquisitoire de l’accusation qui devrait se clôturer dans les deux mois qui viennent.
À l’audience d’aujourd’hui, l’accusation a appelé une personne qui a témoigné sur les attaques perpétrées par les troupes de M. Ntaganda dans diverses villes de l’est de la République démocratique du Congo. Elle a témoigné sous le pseudonyme de témoin P863, avec une déformation numérique de la voix et du visage lors des transmissions publiques de son témoignage.
Ce témoin a raconté que les combattants de l’Union des patriotes congolais (UPC) avaient attaqué la ville de Mongbwalu, et que certains habitants avaient fui vers les villes de Bambu et Beni, alors que d’autres s’étaient échappés vers l’Ouganda voisin. Les rebelles auraient ensuite attaqué Bambu et lancé des bombes dans la brousse où des civils avaient trouvé refuge.
Le témoin P863 a également témoigné avoir entendu les commandants de l’UPC planifier l’attaque de la route qui reliait les villes de Buli et de Kobu. Une discussion sur l’attaque présumée avait été entendue sur une radio récupérée par des combattants du groupe ethnique Lendu auprès d’un soldat de l’UPC qu’ils avaient tué. Le témoin a déclaré que, en tant qu’ami des miliciens Lendu, il avait été autorisé à s’approcher de l’appareil et c’est à ce moment-là qu’il avait entendu les commandants de l’UPC planifier l’attaque.
Puisque le témoin P863 est un témoin protégé, une grande partie de son témoignage a été entendu à huis clos. Les détails des attaques présumées sur les villes et la manière dont il en a eu connaissance ont été apportés à huis clos.
La défense s’est opposée à des mesures de protection en audience pour le témoin P863 et a affirmé qu’il n’y avait pas de preuve justifiant les inquiétudes pour sa sécurité et celle de sa famille. La défense a également souligné que, dans son entretien filmé, le témoin avait déclaré qu’il n’avait pas d’inquiétude concernant sa sécurité à la suite de sa collaboration avec la CPI.
L’accusation a toutefois soutenu que des risques demeuraient pour le témoin et sa famille puisqu’ils vivaient toujours dans une région dans laquelle M. Ntaganda avait de l’influence. De plus, l’accusation a argué que l’ancien poste occupé par le témoin P863 le rendait aisément identifiable dans sa communauté puisque ni lui-même ni sa famille n’étaient couverts par le programme de protection de la CPI.
Dans leur décision accordant au témoin des mesures de protection, les juges ont souligné que, bien que le témoin n’avait pas rencontré d’incident de sécurité spécifique, des menaces envers le témoin ou sa famille n’étaient pas des pré requis pour déterminer si un témoin rencontrait un risque objectivement justifié. Ils ont également noté qu’il y avait eu des cas où d’autres témoins, notamment des témoins de crimes, qui auraient été menacés à la suite de leur implication avec la Cour.
« [C]onsidérant que les circonstances personnelles, le profil et le niveau de risque d’un témoin peuvent évoluer avec le temps, la Chambre ne considère pas que le fait que le témoin ait été évalué lors de son entretien filmé comme n’ayant pas de problèmes de sécurité par rapport à sa collaboration avec [l’accusation] nie l’existence de risques pour la sécurité à cette étape », ont décidé les juges.
Dans son évaluation, l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins a déclaré que la situation politique au Congo était tendue et a averti que des menaces réelles pouvaient survenir si l’identité du témoin était révélée lorsqu’il témoignerait en public.
Les audiences se poursuivront demain matin avec le contre-interrogatoire du témoin P863.