Les avocats de Bosco Ntaganda ont demandé que les juges de la Cour pénale internationale (CPI) fassent une visite judiciaire des sites situés en République démocratique du Congo dans lesquels M. Ntaganda et ses troupes auraient commis des crimes en 2002 et 2003. Ils ont demandé que la visite s’effectue avant la présentation des éléments de la défense.
Dans un document déposé le 8 février 2017, le conseil principal de la défense Stéphane Bourgon a déclaré que cette date de visite permettraient aux juges d’acquérir des connaissances sur les lieux mentionnés par les témoins de l’accusation « mais qui restent vagues et peu définis puisqu’aucune preuve concrète n’a été produite pour ces endroits ». Il a ajouté que cette connaissance était essentielle pour que les juges comprennent les éléments de preuve qui leur seront présentés par la défense.
La demande de la défense est présentée après un rejet en décembre 2015 d’une demande similaire de l’accusation. À l’époque, les juges avaient déclaré qu’une visite ne devait être menée que si elle répondait à un objectif spécifique en rapport avec les faits en question. Les juges avaient ensuite décidé que la nécessité d’une visite pouvait être réévaluée après que l’accusation ait conclu la présentation de ses témoignages puis ensuite après la clôture de la présentation des éléments de la défense. Le dernier des témoins de l’accusation a apporté sa déposition la semaine dernière tandis que la défense devrait débuter la présentation de ses éléments en mai 2017.
Si les juges accèdent à la demande de la défense, il s’agira de la seconde visite de ce type pour les juges de la CPI. En janvier 2012, les juges du procès de Germain Katanga et de Mathieu Ngudjolo avaient visité les lieux au Congo où les crimes avaient été prétendument commis. L’accusation, la défense et les représentants légaux des victimes s’étaient joints aux juges lors de cette visite.
Selon les avocats de M. Ntaganda, une visite permettrait aux juges de se familiariser avec la géographie de la région, le plan des villages, villes et municipalités figurant dans le Document mis à jour contenant les charges (UDCC) ainsi qu’avec leurs environs, les distances entre les différents lieux, les infrastructures et les scènes des crimes présumés dans les villages, villes et municipalités.
Les juges pourraient également acquérir des connaissances sur la topographie des lieux en question, notamment les montagnes, rivières, forêts, sommets et autres points d’observation et évaluer ainsi la possibilité d’entendre des armes et des coups de feu entre les différents lieux mentionnés dans l’UDCC.
En réponse à la demande de la défense, les avocats représentant les victimes ont suggéré que la visite ait lieu à la fin de la présentation des éléments de la défense. Ils ont indiqué que ce n’est qu’à ce moment-là que les juges pourront identifier avec un degré de précision suffisant les principales questions de fait en litige, l’objectif et les avantages de cette visite ainsi que les lieux pertinents.
Les avocats des victimes ont fait remarquer que, outre le fait que la visite judiciaire puisse aider les juges à se familiariser avec les lieux, elle pourrait rapprocher le travail de la Cour des victimes. « La participation des juges et des fonctionnaires de la Cour ainsi que leur présence dans les localités touchées seraient reçues de manière extrêmement positive par les victimes », ont-ils indiqué, ajoutant que la visite ne devrait pas présenter de risques pour la sûreté et la sécurité des victimes puisque l’on pouvait supposer que l’accusé ne sera pas présent pendant cette visite.
L’accusation a déclaré qu’elle ne s’opposait pas à la visite des sites, à condition qu’elle ne repousse pas le début de la présentation des moyens de la défense. Elle a ajouté que cette visite pourrait aider la Chambre à évaluer les témoignages.
Le procureur Fatou Bensouda a précisé qu’une décision de ne pas réaliser cette visite ne serait pas préjudiciable à l’accusé. « Bien qu’elle puisse permettre à la Chambre d’acquérir une meilleure compréhension des lieux où les crimes mentionnés dans l’UDCC seraient censés avoir été commis, une visite judiciaire des sites ne conditionnait pas la capacité de la Chambre à évaluer équitablement les témoignages dans cette affaire », a-t-elle ajouté
Les juges n’ont pas encore statué sur cette question.