Aujourd’hui, les juges examinant le cas de l’ancien chef rebelle congolais Bosco Ntaganda ont entendu parler des capacités de communication de la milice de l’Union des patriotes congolais (UPC) qu’il commandait. Ce témoignage était apporté par le dixième témoin appelé par la défense.
La déposition de ce témoin a toutefois été entendue à huis clos afin de le préserver de représailles pour avoir témoigner devant la Cour pénale internationale (CPI). Il réside dans le district de l’Ituri, dans l’est du Congo, une zone dans laquelle M. Ntaganda aurait commis il y a 15 ans plusieurs crimes. L’Unité d’aide aux victimes et aux témoins de la Cour (VWU) a conseillé que l’identité du témoin soit dissimulée compte tenu de l’instabilité de la région.
Témoignant sous le pseudonyme de témoin D243, cette personne a été récemment ajoutée à la liste des témoins appelés par la défense. Selon la défense, son témoignage porte sur « les allégations de certains témoins de l’accusation relatives aux capacités de communication » du personnel de l’UPC, y compris M. Ntaganda, qui était son chef adjoint de l’état-major en 2002 et 2003.
Dans sa demande du 16 octobre 2017 pour l’admettre en tant que témoin, la défense a déclaré qu’elle avait prévu à l’origine de réfuter le même témoignage d’un témoin différent qui était décédé il y a quelques mois. Le décès de cette personne anonyme a poussé les avocats de la défense à redoubler d’efforts pour contacter le témoin D243, qu’ils avaient initialement rencontré en mai dernier. En conséquence, il n’a pas été inclus dans la liste des témoins de la défense soumise en avril 2017.
L’accusation s’est opposée à la demande de la défense, blâmant les avocats de M. Ntaganda pour manquement à divulguer l’identité de la personne décédée et arguant que la défense aurait dû faire part de son intention d’appeler à comparaître le témoin D243 lorsqu’ils l’avaient rencontré en mai dernier. De plus, l’accusation a estimé que le témoignage proposé du témoin D243 serait un doublon car il a été abordé par d’autres témoins.
Les juges ont déclaré que la défense aurait dû demander l’ajout du témoin D243 à une date antérieure mais ils l’ont néanmoins admis en tant que témoin dans l’intérêt de la justice et pour déterminer la vérité.
Ils ont souligné que le témoignage proposé portait sur des questions de communication en Ituri de septembre 2002 à mars 2003. Par conséquent, les juges ont considéré que le témoin D243, « en raison de sa connaissance et de son expérience pratique dans ce domaine, pourra fournir des informations générales et contextuelles pertinentes par rapport aux communications ».
Les juges ont, en outre, indiqué que la déposition du témoin D243 pourrait les aider à évaluer le témoignage de témoins antérieurs ayant apporté une déposition sur les capacités de communication de l’UPC et de M. Ntaganda.
Le témoin de l’accusation P0901, un ancien membre de l’UPC, a déclaré que M. Ntaganda avait conservé un système de communication radio à son domicile, ce qui lui avait permis de communiquer avec tous les commandants régionaux de l’UPC. Un autre membre a indiqué que le groupe utilisait des radios à courte portée Motorola et Kenwood ainsi que des téléphones satellites Thuraya. Il a ajouté que la milice avait des stations de base de téléphonie qui pouvaient être utilisées pour communiquer à longue distance et qui pouvaient crypter des messages. Entretemps, le témoin de l’accusation P888, qui était également un combattant de l’UPC, avait indiqué aux juges en juin 2016 que M. Ntaganda avait ordonné aux recrues « d’aller de maison en maison et si vous trouvez des ennemis, tuez-les ». Il a déclaré que les ordres, qui étaient donnés via une radio Motorola, avaient été exécutés dans la ville de Songolo.
Dans une décision orale prononcée hier, les juges ont accordé au témoin D243 des mesures de protection, qu’ils avaient refusé de donner dans une décision du 1er décembre. La nouvelle décision a suivi d’autres plaintes de la défense au sujet d’éventuelles répercussions négatives découlant de la déposition du témoin. La défense a estimé que, dans le cadre de sa profession, le témoin rencontrait de nombreuses personnes et voyageait à travers l’Ituri. De ce fait, sa comparution en tant que témoin de la défense devant la CPI pourrait avoir des répercussions négatives sur sa sécurité et sa profession.
Ntaganda est jugé devant la CPI pour cinq chefs de crimes contre l’humanité et pour treize chefs de crimes de guerre qui auraient été commis lors du conflit ethnique qui s’est déroulé en 2002 et 2003. Il a plaidé non coupable pour l’ensemble des chefs d’accusation.
Le contre-interrogatoire du témoin D243 par l’accusation débutera demain matin.