Cet article a été préparé par notre partenaire Radio Canal Révélation, une station radio basée à Bunia, en République démocratique du Congo (RDC), dans le cadre d’un projet de radio interactive pour la justice et la paix qui favorise la mise en débat des questions touchant à la justice en RDC. Les vues de la population relayées dans cet article sont celles des personnes interviewées et ne représentent pas forcément les vues de tous les membres de la communauté ni celles des victimes.
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La plupart des habitants de Bunia sont favorables à la tenue à Bunia des déclarations de clôture dans l’affaire contre Bosco Ntaganda, mais certains restent sceptiques vu les conflits sanglants en cours.
Près de 60 personnes sur 100 que le projet a rencontrées parmi la population des communautés affectées, saluent le fait que la cour envisage la possibilité de tenir les déclarations de clôture de l’affaire Ntaganda à Bunia, dans la province de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC).
« C’est une bonne idée des juges de la CPI [Cour pénale internationale], car le procès [aurait dû] se passer depuis le début ici, où les faits se sont déroulés réellement. Ça sera une première… » a dit un habitant de Mongbwalu, une cité minière victime des attaques de Bosco Ntaganda, à 80 km au nord de Bunia en 2003.
« Ça sera super car [M.] Ntaganda est jugé très loin, à des milliers de km. A cause de cela, nous [dépendons] des images et sons que vous [les] journalistes nous apportez. Aussi, nous allons le voir en live, nous allons lire sur son visage s’il est coupable ou pas » a dit un leader communautaire Lendu.
Une jeune fille hema de 25 ans estime que la présence de la cour en Ituri va soulager les victimes :
« On se souviendra que les affaires Thomas Lubanga et Germain Katanga se sont déroulées à La Haye, au siège de la CPI. Donc personne n’avait su ce qui s’était passé réellement là-bas. Ça sera une belle occasion et opportunité » a-t-elle dit.
Ces propos sont soutenus par Me Christian Utheki, avocat et chercheur en droit : « cette descente va éclairer la population iturienne sur la procédure devant la cour et l’évolution de l’affaire [Ntaganda]. Le plus grand impact sera que la population va faire confiance à la CPI. »
Pourtant certaines personnes sont catégoriques : la CPI commettrait une erreur grave en siégeant à Bunia pour les déclarations de clôture.
Une femme de 35 ans qui a été victime des crimes commis par M. Ntaganda, s’est exprimé ainsi: « Emmener Bosco Ntaganda ici, à Bunia, […] va réveiller des mauvais souvenirs. J’ai perdu plusieurs membres de ma famille à l’époque […]. »
Xavier Maki, directeur de l’organisation des droits de l’homme Justice Plus à Bunia, est allé plus loin. Pour lui, la situation politique instable, les enjeux électoraux, le rebondissement des conflits ethniques à Djugu et les infrastructures d’accueil rendent la situation précaire.
« Bosco Ntaganda avait son fief à Djugu. Et actuellement il y a trouble à Djugu, avec des milliers des déplacés à Bunia. Parmi eux l’armée a arrêté certains avec des armes blanches (machettes, flèches, haches). Il y a trop de risques et manipulation des conflits. Je dis non à une quelconque descente à Bunia » a dit Maki.
C’est depuis le 2 février 2018 que les conflits ont rebondi en Ituri. Selon les informations recueillies par les organisations humanitaires, ces conflits ont déjà entraîné plus de 200 morts, le déplacement de centaines de milliers de personnes et le refuge de près de 20.000 en Ouganda voisine.
La réaction de la Commission Nationale des Droits Humains, bureau provincial de l’Ituri, a été similaire.
« La CPI doit attendre le retour de la paix en Ituri, car les esprits restent surchauffés en ce moment » a dit Mme Marie Pacuryema, sa coordinatrice provinciale.
Les juges de la CPI prendront une décision sur le lieu où se tiendra l’audience de clôture après avoir entendu toutes les parties, ainsi que le Greffe.