Jeudi, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont prononcé la peine la plus lourde jamais rendue par la Cour lorsqu’ils ont annoncé une peine d’emprisonnement de 30 ans pour l’ancien commandant rebelle congolais Bosco Ntaganda.
M. Ntaganda, 45 ans, a passé six ans et demi en détention à la CPI qui seront déduits des années qu’il devra purger. L’ancien chef d’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) s’est rendu à la Cour en mars 2013, soit sept ans après que son mandat d’arrêt initial soit émis.
Les peines les plus lourdes pour des crimes individuels ont été prononcées pour meurtre et tentative de meurtre (30 ans) et persécution (30 ans). Les autres crimes sont le viol de civils (28 ans) ; la conscription, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants dans un conflit armé (18 ans) ; le viol de filles soldats (17 ans) ; la destruction de biens de l’ennemi (15 ans) ; l’esclavage sexuel de filles soldats (14 ans) ; et les attaques intentionnelles contre des civils (14 ans).
En prononçant la peine, le juge Robert Fremr (juge président) a souligné que lorsqu’une personne était reconnue coupable de plusieurs crimes, la période totale d’emprisonnement ne devait pas être inférieure à la peine individuelle la plus lourde infligée. Par conséquent, M. Ntaganda devra purger 30 ans de prison. Le juge Fremr a ajouté que la Chambre avait décidé que, bien que les crimes de M. Ntaganda soient d’une grande gravité, ils ne justifiaient pas une peine d’emprisonnement à vie comme l’a suggéré l’avocat des victimes.
L’article 77 du Statut de Rome, prévoit que la Cour peut condamner une personne à une peine maximum d’emprisonnement de 30 ans ou à la prison à vie lorsque cela est justifié par l’extrême gravité du crime et par les circonstances individuelles de la personne condamnée. Les juges peuvent, de plus, ordonner une amende ou des mesures de confiscation des profits, biens et avoirs tirés du crime de la personne. Les juges ont décidé qu’une amende n’était pas appropriée puisque M. Ntaganda est insolvable.
L’ancien commandant en chef des FPLC, Thomas Lubanga, purge actuellement une peine de prison de 14 ans, la plus longue peine infligée antérieurement par la CPI. Un autre ancien chef de milice congolais, Germain Katanga, a été condamné à 12 ans, tandis que le militant malien Ahmed Al Faqi Al Mahdi purge une peine de prison de neuf ans.
M. Ntaganda a été condamné pour des crimes commis lors d’un conflit armé dans la région de l’Ituri située dans l’est de la République démocratique du Congo en 2002 et 2003. La Chambre de première instance VI, qui est composée des juges Fremr, Kuniko Ozaki et Chang-ho Chung, a fait remarquer dans sa décision prononcée jeudi que M. Ntaganda portait un degré élevé de culpabilité puisqu’il avait donné les ordres de commettre les crimes et avait eu un comportement violent. Les juges ont rappelé qu’il avait été condamné pour le meurtre d’au moins 74 personnes, notamment en tant qu’auteur direct du meurtre d’un prêtre.
Selon le jugement portant condamnation, M. Ntaganda et ses coauteurs avaient le projet de chasser les membres de la communauté ethnique Lendu de certaines localités d’Ituri, de tuer les civils, de voler leurs biens et de leur faire subir des viols et un esclavage sexuel.
M. Ntaganda a été condamné, entre autres, pour esclavage sexuel et viol, notamment d’enfants soldats qui ont servi dans les FPLC. Le jugement portant condamnation souligne que les victimes civiles de viol et d’esclavage sexuel ont subi des conséquences physiques, psychologiques, psychiatriques et sociaux tels que l’ostracisme, la stigmatisation et le rejet social, tant dans l’immédiat qu’à long terme.
En décrivant la gravité de ces crimes et leurs impacts de longue durée, le jugement a ajouté que deux enfants soldats des FPLC avaient été violés de nombreuses fois par de nombreux soldats tout au long de la période de leur esclavage sexuel. Ils ont de même souffert de conséquences physiques et psychologiques, y compris de maladies sexuellement transmissibles et de grossesses non désirées.
À la suite de la décision prononcée aujourd’hui, M. Ntaganda et le procureur peuvent faire appel au motif d’une disproportion entre les crimes et la peine. Les avocats de M. Ntaganda ont déjà fait appel de sa condamnation en juillet dernier. Les avocats de la défense ont invoqué de prétendues erreurs de procédure et violations des droits de M. Ntaganda à bénéficier d’un procès équitable et affirment que les juges de première instance ont formulé plusieurs conclusions erronées dans la décision de condamnation.
Le 8 juillet 2019, M. Ntaganda a été déclaré coupable de l’ensemble des 13 chefs de crimes de guerre et des 5 chefs de crimes contre l’humanité pour lesquels il a été jugé. Il a été reconnu coupable de trois crimes en tant qu’auteur direct : de meurtre en tant que crime contre l’humanité et en tant que crime de guerre ainsi que de persécution en tant que crime contre l’humanité. Il a été reconnu responsable en tant qu’auteur indirect de l’ensemble des crimes pour lesquels il était poursuivi.
Vous trouverez ci-dessous les peines individuelles prononcées aujourd’hui :
- Meurtre et tentative de meurtre en tant que crime contre l’humanité : 30 ans ;
- Attaque intentionnelle contre des civils en tant que crime de guerre : 14 ans ;
- Viol de civils en tant que crime contre l’humanité et en tant que crime de guerre : 28 ans ;
- Viol d’enfants de moins de 15 ans incorporés dans l’UPC / les FPLC en tant que crime de guerre : 17 ans ;
- Esclavage sexuel de civils en tant que crime contre l’humanité et en tant que crime de guerre : 12 ans ;
- Esclavage sexuel d’enfants de moins de 15 ans incorporés dans l’UPC / les FPLC en tant que crime de guerre : 14 ans ;
- Persécution en tant que crime contre l’humanité : 30 ans d’emprisonnement;
- Viol en tant que crime de guerre : 12 ans ;
- Transfert forcé de population civile en tant que crime contre l’humanité : 10 ans ;
- Fait d’ordonner le déplacement de la population civile en tant que crime de guerre : 8 ans ;
- Conscription et enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans un groupe armé et fait de les faire participer activement à des hostilités en tant que crime de guerre : 18 ans ;
- Attaque intentionnelle contre des biens protégés en tant que crime de guerre : 10 ans et
- Destruction de biens de l’ennemi en tant que crime de guerre : 15 ans.
M. Ntaganda a 30 jours pour déposer un appel de son jugement portant condamnation.