Les juges de la Cour pénale internationale ont repoussé à une date indéterminée l’audience orale destinée à examiner les appels de l’ancien commandant congolais Bosco Ntaganda de sa condamnation et de sa peine de prison de 30 ans. L’audience devait débuter le 29 juin 2020. La Chambre d’appel a mentionné la pandémie du Covid-19 comme motif de report.
Dans une ordonnance du 5 juin, la Chambre d’appel a déclaré que, au moment où elle a fixé la date de l’audience, l’impact de la pandémie du Covid-19 n’était pas manifeste. Les juges ont indiqué que les systèmes de la Cour n’étaient pas prêts pour prendre en charge des audiences virtuelles et ont fait remarquer qu’une audience pour le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, qui avait été prévue pour les 27 et 29 mai, avait été repoussée afin de permettre à la Cour de finaliser les préparatifs techniques.
La Chambre a indiqué que s’il s’avérait possible de tenir une audience à une date ultérieure, des dispositions seront communiquées. Elle a souligné, toutefois, qu’un ajournement signifiait que l’audience se tiendra plus tard que les délais prévus dans le Guide pratique de procédure qui a été modifié en 2019 afin d’ajouter des dates limites spécifiques pour rendre des décisions et des jugements. Le paragraphe 90 du guide, en particulier, stipule que, en cas de tenue d’une audience orale dans le cadre de l’appel d’une condamnation, d’un acquittement ou d’une ordonnance de réparation, celle-ci doit se dérouler dans les trois mois qui suivent le dépôt de la réponse au mémoire d’appel. Le procureur a répondu aux mémoires d’appel de M. Ntaganda en avril dernier.
Néanmoins, les juges d’appel ont affirmé être convaincus que la pandémie de Covid-19 et les difficultés qui en découlaient pour les activités de la Cour constituaient des circonstances exceptionnelles au sens du paragraphe 93 du guide. Ce paragraphe stipule que toute prorogation des dates limites doit être limitée à des circonstances exceptionnelles et être motivée de façon détaillée dans une décision publique.
Le mois dernier, la défense de M. Ntaganda a demandé aux juges d’avoir conscience des défis logistiques et des exigences d’un procès équitable qui pourraient se poser s’ils envisageaient de tenir une audience virtuelle. Les questions soulevées par les avocats comprenaient la capacité des équipes de la défense à installer et à faire fonctionner des systèmes efficaces pour gérer une audience en ligne ainsi que la capacité de garantir la confidentialité de la procédure lorsque les parties plaident depuis leurs domiciles.
Retards dans les autres procès
De même, dans l’affaire Gbagbo et Blé Goudé, les avocats ont demandé aux juges d’annuler l’audience relative à l’appel par l’accusation de l’acquittement de ces deux personnes. Ils ont déclaré que les dispositions techniques proposées par le Greffe de la Cour avaient soulevé plusieurs questions de fond sur l’équité du procès. Les avocats ont demandé aux juges de tenir une audience orale lorsque tous les participants et parties pourront s’y rendre physiquement. En outre, ils ont soutenu qu’une audience virtuelle pourrait nier le droit de M. Blé Goudé à être présent à l’audience au sens de l’article 67 du Statut de Rome, à disposer d’installations appropriées pour mener sa défense et à avoir son co-conseil physiquement présent.
De son côté, l’accusation a déclaré le 8 mai que le fait de tenir une audience dans les locaux de la Cour pendant tout le mois, et selon le mode suggéré par le Greffe, entraînerait des risques de sécurité et de santé pour les personnes qui y participeraient. Le procureur a également indiqué que, quelles que soient les modalités adoptées par la Cour pour une audience virtuelle, elle devra être menée de manière à protéger pleinement l’intégrité de la procédure, les droits de M. Gbagbo et de M. Blé Goudé ainsi que ceux de l’accusation et des avocats des victimes. Le procureur a soutenu l’idée de reporter l’audience jusqu’à ce que les systèmes de la Cour soient mis à niveau pour prendre en charge une audience virtuelle.
En reportant l’audience de M. Gbagbo, la Chambre d’appel a ordonné au Greffe de poursuivre l’identification et la finalisation de tous les paramètres techniques d’un modèle qui pourrait être utilisé pour toutes les audiences à venir. La Chambre a indiqué qu’elle faisait face à « ce qui était manifestement une force majeure » et qu’il était désormais évident que la Chambre doit prendre des mesures pour que la procédure d’appel soit traitée dans les meilleurs délais tout en garantissant que les droits applicables de tous, notamment des personnes acquittées, ne soient pas injustement lésés.
Les avocats de M. Blé Goudé ont également estimé que plusieurs questions de droit nouvelles ou complexes soulevées dans l’appel, et qui se posent pour la première fois devant la CPI lors de l’affaire Gbagbo et Blé Goudé, nécessitent de fixer une audience orale. Ils ont mentionné la nature des procédures de non-lieu et leur fonctionnement dans le système judiciaire de la CPI, notamment la norme de preuve applicable.