Cette semaine, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont accordé deux mois supplémentaires aux experts afin qu’ils terminent leur rapport sur la nature des réparations dans le procès de Bosco Ntaganda. Cette prolongation était nécessaire puisque les restrictions imposées du fait de la COVID-19 signifient que les experts progressent moins rapidement que prévu.
Puisque le rapport des experts est maintenant attendu pour la fin du mois d’octobre, les avocats des victimes auront jusqu’à la mi-décembre de cette année, au lieu du mois d’octobre, pour déposer leurs conclusions finales relatives aux réparations dans cette affaire. Ces prolongations rallongent, en réalité, le temps d’attente des victimes pour obtenir une ordonnance de réparation.
Il y a deux mois, la Chambre de première instance VI a nommé quatre experts afin qu’ils la conseillent sur la nature et l’étendue des réparations à accorder aux victimes de M. Ntaganda et leur a indiqué de soumettre leur rapport d’ici le 28 août 2020. Cependant, les experts ont demandé, plus tôt dans le mois, une prolongation au 28 novembre pour terminer le rapport. Ils ont souligné que le travail virtuel et la communication à distance entre eux et avec les sections de la Cour avaient ralenti leur travail.
D’après les experts, il a été impossible d’organiser une mission sur le terrain, en République démocratique du Congo (RDC), étant données les restrictions découlant de la pandémie de COVID-19. Dans ces circonstances, toutes les réunions avec les victimes se sont tenues à distance et seule une réunion avec une seule victime par jour a pu être réalisée par l’intermédiaire du bureau de la CPI de Bunia, situé dans l’est du Congo.
Les experts ont ensuite fait état de la complexité de la production d’un rapport commun en l’absence de réunions en face à face, puisqu’ils ont également besoin de services d’interprétation entre l’anglais et le français.
Dans sa décision, la Chambre a indiqué que les experts avaient indiqué un motif valable pour justifier la prolongation du délai mais elle a estimé qu’une extension de deux mois, plutôt que les trois demandés, était suffisante. Selon la Chambre, une prolongation à la fin du mois d’octobre permettra aux experts d’intégrer dans leur rapport toutes les conclusions basées sur les informations que le Greffe de la Cour pourra recueillir auprès d’un échantillon de victimes sur les préjudices qu’elles ont subis et leurs besoins. Le rapport du Greffe, qui identifiera également les victimes qui seront potentiellement admissibles aux réparations, doit être déposé d’ici le 30 septembre.
L’article 35(2) du règlement de la Cour prévoit que la Chambre peut décider de délais plus longs ou plus courts en cas de motif valable. La Chambre de première instance VI, qui est composée des juges Chang-ho Chung (juge président), Robert Fremr et Olga Herrera Carbuccia, a mentionné les difficultés rencontrées par les experts lors des réunions virtuelles à distance avec les victimes pour obtenir leurs vues et préoccupations par le biais du bureau de la CPI étant données les restrictions dues à la COVID-19 et à la situation locale en matière de sécurité.
Les juges ont également fait remarquer que, puisque les experts doivent produire un rapport commun, un meilleur niveau de coordination est nécessaire mais qu’ils sont confrontés aux difficultés liées aux communications à distance et au besoin d’interprétation entre l’anglais et le français.
Le rapport des experts devra couvrir l’ensemble de la responsabilité de M. Ntaganda, ainsi que l’étendue, la portée et l’évolution des préjudices subis par les victimes directes et indirectes, y compris les conséquences à long terme des crimes pour les communautés affectées ainsi que le coût potentiel des réparations. Le rapport devra traiter de la violence sexuelle, en particulier de l’esclavage sexuel, et de ses conséquences sur les victimes directes et indirectes. Il devra également présenter les modalités appropriées pour les réparations.
M. Ntaganda a été, en juillet dernier, déclaré coupable de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis en 2002 et 2003 alors qu’il exerçait les fonctions de chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Il a fait appel de sa condamnation et de sa peine de prison de 30 ans. L’audience pour examiner ses appels devait commencer à la fin du mois dernier mais a été repoussée à une date indéterminée suite aux difficultés posées par la COVID-19.
Le rapport des experts sera transmis aux parties à la procédure, au Fonds au profit des victimes (FPV), à la Section de la participation des victimes et des réparations de la CPI ainsi qu’au Bureau du Procureur. Les parties à la procédure et le FPV auront jusqu’au 18 décembre 2020 pour déposer leurs conclusions finales sur le rapport et tout autre dernier argument destinés aux juges afin qu’ils les examinent avant qu’ils ne délivrent l’ordonnance de réparation.